La naissance de Seydina Limamou avait eu lieu dans la nuit de la mi-Cha’bân encore appelée «Leylatun-Niçf min Cha’bân» de l’an 1261 de l’hégire correspondant à l’an 1843 du calendrier grégorien.
Pendant son enfance, Mame Limamou ne cessa d’impressionner ses proches par des hauts faits inouïs. Par exemple il stupéfia très tôt son entourage par la rapidité de sa croissance par rapport aux autres jeunes de son âge. Il put marcher plus vite que les autres jeunes de son âge dans la mesure où dès ses sept (7) mois il pouvait déjà se déplacer correctement. Durant cette période, quand il marchait et que son pied touchait une souillure (excréments d’animaux de basse-cour, par exemple) il se mettait automatiquement à pleurer et ne bougeait plus de sa position tant que le pied « souillé » n’était pas nettoyé. À ses neuf (9) mois, il pouvait déjà parler clairement. À sept ans, ses parents le confièrent à des pêcheurs pour l’initier à leur métier.
Durant cette période aussi, il a réalisé plusieurs exploits inexplicables en mer. Par exemple, plusieurs fois ses mentors ont voulu jeter leur filet à la mer pour faire des prises. Mais dès que le jeune Limamou jetait son regard dans les profondeurs de la mer, il leur disait clairement qu’aucune prise intéressante ne pouvait être faite en ce lieu. Et quand, en d’autre lieu, il leur conseillait de jeter cette fois-ci leur filet en leur annonçant le type de poissons qui s’y trouvaient, ils pouvaient remplir leur pirogue de poissons de qualité. Et quand ils rentraient sur la terre ferme, tous les autres pêcheurs, rentrés bredouille de leur quête pouvaient s’étonner devant le fait que la pirogue où était Limamou attrapait toujours autant de poissons, et de bonne qualité en plus.
Seydina Limamou Lahi (asws) a lui-même rapporté qu’alors qu’il était âgé d’une quinzaine d’années, son père l’envoya, un jour, chercher du bois à la forêt entourant le village de Yoff en compagnie d’autres jeunes de son âge envoyés aussi par les leurs. Pourtant, à leur retour, tous ses camarades portaient chacun un fagot de bois bien fourni sauf lui. Étonné, Mame Alassane lui demanda pourquoi lui était rentré les mains vides. Mame Limamou répondit : « père, je n’ai pu couper du bois ! Car à chaque fois que je m’approche des arbres avec ma hache, ils se prosternent devant moi avec leurs branches en prononçant : «Al Amâna ! Al Amâna ! Anta Seydil awwalîna wal âqirîna». Ces camarades confirmèrent tous avoir été témoins de ce fait. Et Seydina Limamou précisait encore : «Et quand je relevais ma tête pour regarder le ciel, je voyais des anges regroupés au-dessus de moi prononçant de même : «Anta Seydil awwalîna wal âqirîna».
Son père se souvenant alors des prédictions du guide toucouleur, se résolut à ne plus le charger d’une telle tâche à l’avenir. D’ailleurs, dans la cour du Centre Sénégal Japon sis à côté de la Foire de Dakar trône encore un de ces arbres qui s’étaient inclinés devant le jeune Seydina Limamou Lahi pendant sa jeunesse, et qui, depuis lors, ne s’est toujours pas relevé. C’est comme si Allah avait voulu qu’il soit toujours là pour servir de signe aux plus sceptiques des temps modernes.
Ses contemporains ont aussi rapporté que quand il marchait sous le soleil, Mame Limamou n’avait pas d’ombre. Et un nuage, qui le suivait partout, semblait même être mis à sa disposition pour le protéger du soleil. Quand il posait ses pieds sur le sol, il n’y laissait aucune empreinte de pas. Pourtant, quand il les posait sur une pierre, ils y laissaient une empreinte très distincte. Pour en avoir la preuve, une pierre gardant la marque du genou et du pied du saint-maitre se trouve encore à la grotte de Ngor. Quand il marchait sous la pluie, aucune goutte d’eau ne le touchait. Et les insectes volants (mouches, moustiques, etc. ne touchaient jamais son corps).
Les gens de son époque reconnaissaient en lui sa bonté sans commune mesure. En effet, à chaque fois qu’il rentrait de la pêche, il pouvait distribuer ses prises aux gens qu’il rencontrait sur le chemin de son domicile. Plusieurs fois, il rentra dans son foyer sans plus aucun poisson à donner à sa famille. Cette situation avait fait que les siens étaient obligés d’aller l’attendre à la plage pour avoir une part à emmener à sa mère Mame Coumba Ndoye.
En effet, Mame Coumba Ndoye s’était forgé une grande réputation au sein du peuple lébou et bien au-delà du fait de sa grande générosité. Chaque jour, aidée par son fils Mame Limamou, elle cuisinait plusieurs marmites de nourriture destinée à être distribuée aux couches défavorisées de la collectivité ; mais aussi aux voyageurs de passage à Yoff. Cela lui valut le surnom emblématique de «Coumba Diagata» du fait des nombreux bols de repas qu’elle déplaçait, chaque jour, pour nourrir ceux qui en avaient le plus besoin. Son vertueux fils de son côté, parcourait le village de Yoff et ses environs sur un rayon d’un kilomètre à la recherche de personnes indigentes à envoyer chez sa mère pour se restaurer. Dès qu’il en rencontrait un, il lui indiquait la direction menant au domicile de Mame Coumba Ndoye en lui donnant un de ses chapelets, avant de lui conseiller de le montrer sur son chemin pour être mieux orienté. Lui, de son côté, poursuivait son chemin à la recherche d’autres voyageurs.
Pendant, les travaux d’intérêt général, les semailles et récoltes, il se révélait le plus dynamique des jeunes de son âge. Quand, on avait besoin d’aide pour quelque travail que ce soit, il se portait toujours volontaire en premier. Il était aussi reconnu à Seydina Limamou un pouvoir de guérison extraordinaire. Que ce soit les personnes possédées, comme celles souffrant de maux incurables, Mame Limamou parvenait toujours à les guérir souvent par simple contact [quand il s’agit de personnes de sexe masculin] ou en levant ses mains au-dessus de la partie douloureuse [concernant les personnes du sexe opposée].
Les personnes de son âge et les adultes lui vouaient une confiance totale du fait de ses qualités morales et de son intégrité qui forçaient le respect au sein de la collectivité. C’est pourquoi, à la suite du décès de son père Alassane Thiaw, survenu en 1871, les sages du village se réunirent et prirent la sage décision de lui confier la même responsabilité qu’occupait celui-ci. Seydina Limamou venait d’avoir vingt-huit ans tout au plus. À ce niveau, il faut savoir qu’à chaque fois qu’un litige opposait quelques habitants du village, c’est Mame Alassane Thiaw qui était chargé de faire la médiation avant, au besoin, de les conduire au Tribunal musulman de Ndakaaru auprès du grand érudit de l’époque doublé de Qâdhî (Cadi) du nom de Thierno Ababacar Sylla dit «Khaly Mbaye Sylla». C’est ce rôle majeur qui échut à Mame Limamou à la suite du rappel à Dieu de son père.
Té Muhamadu moom riñaanoon naFa Màkka ba Njool ma jàlloon naLimub asamaaw ya déggoon naFa Yàlla la tiiñ ka jàngaani.Mu dellusi jànx, dem faatiKi làbbali yoon wi moomatiBu leen bañ céébo maa ngeetiKu ban wiléwaamé xaaraani.
Au lendemain, mardi 26, de cet énième honneur qu’Allah lui réserva, Mame Limamou se confia à son cousin germain et confident Daouda Ndoye dans les champs de Khamsâne. Ce dernier était le fils de Gorgui Ndoye, frère de Mame Coumba Ndoye. Mame Limamou lui fit savoir qu’un grand évènement allait se tenir cette année-là. Il partagea aussi avec son cousin une vision dans laquelle son Seigneur lui annonçait le décès imminent d’une « sainte » (« waliyatun »). Il ajouta : « les mérites de cette femme auprès d’Allah sont aussi incommensurables qu’exceptionnels ! ». Il convient de préciser que Daouda Ndoye fut la première personne à s’être agenouillée devant Seydina Limamou et de lui avoir embrassé la main. Or, à l’aube du mercredi vingt-septième (27ème) jour – appelé « kazzu » – du mois lunaire Rajab de l’an 1301, sa sainte mère, Mame Coumba Ndoye, s’éteignit à l’âge de soixante-treize (73) ans. Mame Limamou sembla avoir arrêté de manger et de boire pendant toute la durée des funérailles. Il n’adressa la parole à personne préférant cantonner sans répit la formule de l’unicité d’Allah « Lâ ilâha illâ Allah ».
Très inquiets face à cette situation, ses proches pensèrent, d’abord, que c’était dû à la tristesse d’avoir perdu sa mère et plus tard ils en arrivèrent bon gré mal gré à la conclusion défaitiste qu’il fallait consulter les « xaamb » (autels érigés en l’honneur du génie protecteur propre à chaque famille dans la culture léboue). Ils ignoraient, en fait, que Mame Limamou avait reçu de la part du Seigneur, durant son ascension, l’ordre d’observer un jeûne surérogatoire et préparatoire de trois jours à compter de la disparition de sa chère mère. Le samedi soir, trentième (30ème) jour du mois de rajab, la nouvelle lune de Cha’bân est apparue et annonça la fin du processus de maturation spirituelle de Mame Limamou. Aussi, le lendemain matin, dimanche premier jour de Cha’bân de l’an 1301 de l’hégire, un évènement exceptionnel dont les échos continuent encore de retentir d’est en ouest, et du nord au sud allait-il se produire à Yoff sous l’impulsion du prodigieux Limamou Thiaw ibn Alassane.
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