La communauté Ahloulahi se souvient de la disparition du premier Khalif Seydina Issa Rohoulahi fils-ainé du saint-maitre Seydina Limamou Lahi (asws) survenu un 6e jour du mois lunaire Shawwal (coïncidant cette année au lundi 7 juin 2021).
C’est l’occasion pour la communauté des Partisans d’Allah de se remémorer l’œuvre grandiose et la personnalité exceptionnelle de cet homme multidimensionnel que les autorités de l’AOF avaient officiellement reconnu comme étant «Le Grand marabout de l’AOF». Et même si certains trouvent aujourd’hui un aspect péjoratif dans le terme «marabout», il faut savoir qu’à l’époque ce fut un titre rempli d’honneur et de considération comme le prouvent le contenu de certaines correspondances épistolaires datant de l’époque.
Il est le fils-ainé du saint-maitre Seydina Limamou Lahi (asws) et de la sainte Fatima Mbengue de Yoff. Quand il eut, 7 ans son vénéré père déclara être le Mahdi Al Muntazar (l’Imam tant attendu) et lança son célèbre Appel, fondant par la même occasion la prestigieuse communauté Ahloulahi.
Mais qui est Seydina Issa Rohoulahi (as) ?
Pour avoir une réponse plus exhaustive, nous sommes allés fouiller dans le répertoire poétique des Ahloulahi comme nous avons déjà eu à le faire avec ses jeunes frères Seydina Mandione et Seydina Ababacar.
L’éminent Libasse Niang le présentait déjà par :
Seydi Ruuhu Rahmaan
Donoy Mahdiyoo
Ba yaaram ba làqoo
Ba tey yaa fi ne
Pour dire qu’il est « Ruuhu Lahi » (le fils de Maryam revenu dans une seconde mission terrestre), le digne successeur de l’Imam Mahdi qui depuis la disparition de ce dernier occupe le califat de l’islam.
Pour donner plus de précisions sur ce premier Khalif à la tête des Ahloulahi, Libasse Niang rajoutait :
Ba muy woote diineem
Te ñuy bañ tariixaam
Nga dib taaw di seedeem
Ba tey yaa fi ne
Autrement dit quand le saint-maitre Seydina Limamou Lahi Al Mahdi (asws) a lancé son Message et qu’une grande partie des érudits de l’époque se sont opposés à lui [comme c’est toujours le cas pour tous les envoyés], c’est Seydina Issa son fils ainé qui fut son rétro-confirmateur.
En effet, Il était déjà prévu par plusieurs hadiths que le messie Seydina Issa devrait réapparaitre à la Fin des Temps pour succéder à l’Imam Al Mahdi. Quand quelques trois après que Seydina Limamou (asws) a lancé sa mission, ses voisins le dénoncèrent aux colons en le dépeignant comme un «djihadiste hostile aux intérêts de la Métropole». Une délégation de dignitaires Lébous de Ndakaaru sous la houlette du célèbre «Serigne Ndakaaru» Dial Diop dit Dialy Beukeu est alors venue à Yoff pour éteindre le feu et jouer les bons offices pour réconcilier le saint-maitre et les autorités coloniales. Mais ce dernier après avoir réservé un accueil exceptionnel à ses «parents venus de Ndakaaru» avait répondu à son oncle le «Serigne Ndakaaru» Dial Diop :
«Nul ne peut rien contre moi ! C’est Allah qui m’a élevé au-dessus de la création. S’il arrivait qu’Allah décidât de mettre fin à ma vie sans que ma mission soit achevée, c’est cet enfant que voici (désignant le «jeune» Seydina Issa) qui la continuerait».
Dès lors, Seydina Limamou venait d’officialiser à la face du monde que son fils Seydina Issa était bien le messie Issa Ibn Maryam revenu dans une seconde mission pour plus tard poursuivre sa mission comme prévu par la tradition islamique. À l’époque Seydina Issa avait un âge compris entre 9 et 10 ans.
Mais la chose extraordinaire qui doit retenir notre attention dans cette prédiction du saint-maitre est : comment un père peut-il savoir si son fils ne mourra pas avant lui ? Quoi qu’il en soit, Allah le Maitre Absolu confirma cette prédiction quelques années plus tard en 1909 quand, le saint-maitre Seydina Limamou Lahi (asws) quitta ce bas-monde et que le même Seydina Issa désigné quelques années plus tôt succéda à son père. Il venait de boucler 33 ans d’existence (âge qu’avait Issa Ibn Maryam au moment d’effectuer l’Ascension) et venait de succéder à son vénéré père à la tête des Ahloulahi pour un apostolat de 40 années telles que prévu, encore, par la tradition islamique.
Il aborda la question de son vicariat à la tête du califat de l’Islam comme prédit par les livres anciens :
Darapoo bu lislaam
Bi yaa ko ame
Bu leen yoon wi rééréé
Nga sañ ko wone
Par ces vers le poète le plus célèbre parmi les Ahloulahi chante la consécration du premier Khalif Seydina Issa qui, après avoir succédé à son vénéré père, devenait sans équivoque le détenteur de l’étendard de l’Islam en tant que «Amirul Muminiin». Et donc, il souligne que c’est à lui que revenait à son époque la mission d’orienter/réorienter les musulmans sur la « Çirât al mustaqîm ».
Parlant de ses nobles caractères, il enseignait :
Da ngaa jub, sa ñoñ jub
Woyof toyy niw xob
Di jambaar def ub tab
Siggil yaa fu ne
Pour dire que Seydina Issa (as) fut un homme droit, tout comme ses fidèles, humble, un valeureux dont la générosité fut sans commune mesure.
Le poète prolifique, Mamadou Lahi Ndir ajoutait :
Ku manoon la alxuraan tafsiir na alxuraan Baay Seydinaa
Fookoon na alxuraan ba dëkkaalé alxuraan Baay Seydinaa
Jikko jaa di alxuraan lu mu wax di alxuraan Baay Seydinaa
Lu mu jëf di alxuraan ndigalam di alxuraan Baay Seydinaa
Autrement dit, Seydina Issa (as) avait fait l’exégèse complète du Coran qu’il aimait d’un amour profond. D’ailleurs, sa vie, son quotidien, son environnement, son comportement, faits et paroles se résumaient au Coran : bref il fut la personnification du coran.
Dundal na sunna fii teral sariiha fii Baay Seydinaa
Ku jubul da lay jubël ba nga aw si yoonu mbaax Baay Seydina
Il a revivifié la sunna sur ces terres, il s’est appuyé sur la Sharia en orientant tout le monde sur la voie des justes.
Parlant de sa gestion du califat et des affaires des musulmans, El Hadji Mouhamadou Sakhir l’imam-poète parmi les Ahloulahi lui emboitait le pas dans son poème Gëm woolu leen :
Seydi Isaa daldi taxaw yékëti diine ja ca kaw
Luy bëg xotiku mu gnaw ba gnepp naa kii yéému na
Autrement dit, à son accession au califat, Seydina Issa s’est attelé à perpétuer le legs de son père : notamment en élevant la communauté Ahloulahi à un niveau supérieur, en fédérant et en assurant la cohésion parmi les fidèles.
«Al Yeumbeuliyou» souffla encore dans la même trompe dans son poème «Seydi Rohoulahi ku la way…» :
Moo fi daan defar lujubul lufi yàqu Seydi jubal
Boo bagnee gnëwit mu yabal ki ca dem « fi saahati »
Pour dire que Seydina Issa était le «réparateur des erreurs», le «redresseur de tort», celui qui corrigeait les incorrections. Et même si la personne concernée ne venait pas auprès de lui, il envoyait toujours quelqu’un pour aller l’aider.
C’est pourquoi :
Boo defee lixuur ba gëlëm ci sa mbir ba seet ba xalam
Doo xalam ludul bëg dem «Li Isaa fii saahati»
Pour dire que toute personne qui commettait une erreur/transgression, ne pensait qu’à aller s’en ouvrir à Seydina Issa aussitôt après mure réflexion.
La raison étant que :
Boo ñëwee ba naan ko mandey da ma def lu ñépp ne céy
Da la naa bul jàqati tey daldi faj sa aajati
Quelle que soit la gravité d’un acte commis, il avait la sagesse de rassurer la personne avant d’en trouver une issue heureuse.
Et El Hadji Mouhamadou Sakhir de renchérir :
Ku tooñ mu jéggël du ka taaj di yedd, du gëddë ku laaj
Moo tax ba waa ju mosa waaj ngir laajsi Seydi doyle na
Il pardonnait sans condition à toute personne qui lui faisait du tort, il était toujours ouvert et disponible pour répondre aux questions qu’on lui posait.
Du xastewaate, te du jëw, du ngaññ kenn mooy ku yiiw
Moo tax ku kay xas aka jëw bàayyil te xamni alkuna
Il ne dénigrait jamais personne, il ne médisait jamais sur quelqu’un, la calomnie lui était inconnue : il fut un guide exemplaire en tout point.
Seydina Issa fut le Secours par excellence pour les gens de son époque pour la simple raison que :
Yàlla Buur bi rus na ka moom nasaraan du weddi waxam
Moodi gar ku nekk fi moom woolu dootu jàqati
Autrement dit, Allah avait béni ce fils ainé du meilleur des hommes, les colons blancs n’osaient aller à l’encontre de sa volonté ; il fut un lion et un protecteur sûr pour ses fidèles.
El Hadji Sakhir décrivait aussi sa relation avec l’autorité coloniale en ces vers :
Tubaab ya jox ka ay medaay muy kollëréém ba naa ko kaay
Nu dem Faraans ngir yaa nu doy loo ñaan nu mey la jaadu na
Il explique ici que les colons français le tenaient beaucoup en estime au point de le couvrir de médailles. Mais mieux encore, ils l’invitèrent à l’Exposition Coloniale du Bois de Vincennes en 1931 où aux côtés du dernier Burba Jolof, Bouna Alboury Ndiaye, ils furent les seuls sénégalais à y prendre part.
Le mufti de Yeumbeul ajouta encore :
Tubaab ya jox ko «kurwa» «Lasin donoor» te masla waaxu
Nguir liggéyal leen ñu waa xu ñoom ba yob ko Seydinaa
Les colons lui décernèrent la Légion d’Honneur
Tubaab ya jox ko sawetaas ba boo réyoon boroom Faraans
Gnu ceen la Baay Seydi ne jaas nga mucc kii kay yéémé na
Comme pour répondre à ces gens qui, aujourd’hui, remettent en question l’autonomie de nos guides dans l’application des principes islamiques à l’époque coloniale, El Mouhamadou Sakhir précisait par anticipation que Seydina issa n’était pas concerné :
Ku weddi loolu na nga laaj teerub ministar ba nga laaj
Birob boroom ndar ba ujaaj yaak sërign sépp daje na
Guwernoor ne leen bu kenna yor mbaxane te bu kenna yor
Meteel kerook Seydée fa yor kaalaam ca biir lii yéémé na
Là il raconte l’histoire qui a donné naissance à la célèbre expression wolof : « Fa mbaxané dooné benn ». En effet, lors d’une invitation adressée aux différents chefs religieux et coutimiers de l’époque, à l’occasion d’une réception en l’honneur du premier ministre français à Saint-Louis, le gouverneur général de l’AOF avait précisé que personne ne devrait porter de bonnet encore moins de turban. L’information fuita et les détracteurs de Seydina Issa qui savaient que Seydina Issa n’avait jamais ôté ses mythiques turbans noir et blanc devant personne, depuis son accession au califat, voyaient en cet interdit une occasion pour voir enfin le premier Khalif des Ahloulahi avec la tête dévêtue. Ils ajoutèrent en plaisantant : «foo fu la mbaxané di dooné benn» pour dire que lors de cette occasion une seule personne portera un bonnet [comprendre le képi] et ce serait le Gouverneur de l’AOF. Or ce jour-là, Seydina Issa fut la seule personne à porter ses turbans devant toute l’assemblée en présence du gouverneur et du premier ministre français. Sur une note distillée au sein de l’administration à l’époque on pouvait lire :
« Le marabout Issa Thiaw de Cambérène est autorisé à porter [exceptionnellement] ses turbans… »
Cela avait fait que :
Ku mosa tiit làqu fa moom Tubaab ya xam na la fa moom
Daawu gnu ka sànjaafu moom mooy garmi Seydi yéémé na
Les gens désemparés venaient trouver refuge auprès du premier Khalif des Ahloulahi. Car les colons reconnaissaient bien son envergure et ils ne l’affrontaient jamais en conséquence.
D’ailleurs, à son époque, il est arrivé une année où à cause d’une forte pluie la prière de Korité n’a été accomplie que par Seydina Issa (as) et ses fidèles.
Libasse Niang, qui était un de ses fidèles disciples ne pouvait pas ne pas aborder la question des innombrables faits miraculeux que réalisait Seydina Issa de son vivant et même après ; ce qui l’a rendu célèbre. C’est pourquoi le saint-poète Libasse Niang (dont, à ce jour, nul ne connaît où se trouve réellement sa tombe) cita quelques exemples :
Da daan ray di dekkal
Fu lëndëm mu leeral
Ba geej wex mu wexxal
Gnu naan saa su ne
À travers ces vers il confirme que Seydina Issa avait la faculté de donner la mort et de redonner la vie [toujours «bi iznil Lahi», sur ordre du Seigneur], pouvait apporter la lumière du jour en pleine nuit et savait transformer l’eau salée de la mer en eau douce.
Et à ce niveau il convient de souligner que tous les miracles réalisés par Issa ibn Maryam et rapporté par le Coran ont été répétés par Seydina Issa Rohoulahi Ibn Seydina Limamou Lahi (asws). Le coran disait à propos de Issa Ibn Maryam:
وَءَاتَیۡنَا عِیسَى ٱبۡنَ مَرۡیَمَ ٱلۡبَیِّنَـٰتِ وَأَیَّدۡنَـٰهُ بِرُوحِ ٱلۡقُدُسِ
«Et Nous avons donné des preuves à Jésus, fils de Marie, et Nous l’avons renforcé du Saint-Esprit.» [Sourate Al-Baqarah 87]
Et encore dans ce passage parlant de Issa Ibn Maryam
(وَرَسُولًا إِلَىٰ بَنِیۤ إِسۡرَ ٰۤءِیلَ أَنِّی قَدۡ جِئۡتُكُم بِـَٔایَةࣲ مِّن رَّبِّكُمۡ أَنِّیۤ أَخۡلُقُ لَكُم مِّنَ ٱلطِّینِ كَهَیۡـَٔةِ ٱلطَّیۡرِ فَأَنفُخُ فِیهِ فَیَكُونُ طَیۡرَۢا بِإِذۡنِ ٱلله وَأُبۡرِئُ ٱلۡأَكۡمَهَ وَٱلۡأَبۡرَصَ وَأُحۡیِ ٱلۡمَوۡتَىٰ بِإِذۡنِ ٱلله)
«et Il sera le Messager aux enfants d’Israël, [et leur dira] : « En vérité, je viens à vous avec un signe de la part de votre Seigneur. Pour vous, je forme de la glaise comme la figure d’un oiseau, puis je souffle dedans: et, par la permission d’Allah, cela devient un oiseau. Et je guéris l’aveugle-né et le lépreux, et je ressuscite les morts, par la permission d’Allah.» [Sourate Aal-E-Imran 49]
À ce propos le pertinent Mamadou Laye Ndir confirmait que Seydina Issa Rohoulahi fils de Seydina Limamou Lahi (asws) :
Dafa daan dundal ku déé doxloo na fuy lafañ Baay Seydinaa
Di waxak ku déé ba sééy lii doyna « muhjizaat » Baay Seydinaa
Autrement dit, Seydina Issa Rohoulahi (as) a ressuscité des morts. À ce propos le cas du vieux Cheikhou Niang, sur qui un pan entier de mur est tombé lui brisant tous les os du corps, peut être cité. Ce fut lors de la construction de la mosquée de Yoff Layène. Ce jour, Seydina Issa après avoir « reparé » les os cassés avait redonné la vie [toujours « bi iznil Lâh] au père du célèbre chanteur Seydina Niang en lui garantissant 30 ans de vie en bonne santé à la suite de cet événement. Quand les 30 ans étaient écoulés le vieux Cheikhou tomba soudain malade. Quand on le questionna sur ce qui lui arrivait, il répondit : «le pan du mur de la Mosquée est tombé sur moi hier». C’est comme si Seydina Issa avait créé une distorsion temporelle en 1948 ou 49 au moment des faits. Seydina Issa a aussi fait marcher des handicapés, en plus de communiquer avec des morts. Un jour en cours de route il a rencontré un crâne humain à hauteur de Ndoukhoura. Seydina Issa descendit de son cheval, arracha une tige de nger qu’il planta dans le crane avant de lui demander ce qui l’avait mis dans cet état. Il avait aussi le don de faire parler les muets :
Waxloo na muuma fii sakkanal lu neewa neew Baay Seydinaa
Darajaam ja moo kawé mbooleem « rijaalu laahi » Baay Seydinaa
Aux personnes sceptiques, négateurs à souhait devant l’Éternel, le poète « wolofophone » Libasse Niang répondait par anticipation :
Ay kéémaan nga andal
Te say seede jééxul
Ku laamlaami laajal
Ci mag gnii fi ne
Autrement dit, il rapporte par ces vers que Seydina Issa rythmait sa vie par des miracles en tout genre devant témoins de tous bords et donc nul besoin d’en douter sinon il fallait juste interroger ses contemporains.
À sa disparition en 1949, notre grand-père paternel le tafsîr El Hadji Abdourahmane Diop que Seydina Issa (as) avait choisi pour s’occuper de son corps a confirmé que sur sa poitrine comme sur son dos était gravé une marque de naissance inscrite en lettres arabe à savoir : Însâ Rûhulâh.
Qu’Allah le couvre de grâce et se lumière bi barakati Seydina Limamou Lahi Al Moukhtâr Wa Seydil Anlamîn.
Par Chérif Alassane Lahi Diop « Sibt Sâhibou Zamâne »,
Analyste politique et économique,
Expert en Commerce et Management des Affaires Internationales,
Aspirant-disciple parmi les Ahloulahi,
Secrétaire Général de Vision 129
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