[Le jeudi 27 janvier 2022, la communauté Ahloulahi commémorera l’anniversaire de la disparition de Seydina Ababacar Lahi.]
Seydina Ababacar Lahi est le fils du Saint-Maître Seydina Limamou Lahi (asws), fondateur de la communauté Ahloulahi et de Sokhna Aminata Sylla dite «Toute Sylla». Sa mère est la fille de Thierno Ababacar Sylla dit «Mbaye Sylla» qui fut l’Imam Ratib et le Président du Tribunal Musulman (cadi) des lébou de la Presqu’île du Cap-Vert pendant vingt-deux (22) ans tel que l’a rapporté son fils, l’éminent poète Cheikh Abdoulaye Sylla dans son ouvrage intitulé «îzâlu-l jahli». Quand le saint-maitre lança son Appel en 1301 de l’hégire, Thierno Mbaye Sylla fut parmi les premiers dignitaires lébou de Dakar à lui faire allégeance. La communauté lébou des 12 péncu Ndakaaru, à l’époque très hostile à la doctrine Ahloulahi, s’est alors réunie en assemblée extraordinaire pour lui demander de choisir entre les titres d’imam ratib et de cadi qu’elle lui avait confiés et le statut de disciple de Seydina Limamou Lahi (asws). La raison d’une telle convocation était liée au fait que la communauté lébou ne pouvait pas comprendre qu’un érudit de la trempe de Thierno Mbaye Sylla, mouhaddam de la tariqa tijân qui plus est, puisse faire allégeance à un «illettré». Oui ! il était de notoriété publique que Seydina Limamou Lahi (asws), à l’image des messagers qui l’ont précédé, n’avait jamais fréquenté aucune école ! Thierno Mbaye Sylla, très déterminé dans sa foi dans la mission de Seydina Limamou Lahi (asws) avait courageusement préféré choisir le saint-maitre de la Fin des Temps au détriment des siens ; ce qui ne manqua pas de soulever un tollé et la stupéfaction générale au sein de la communauté lébou et bien au-delà. Quand, Seydina Limamou Lahi (asws) rentra de son à Gorée, il avait choisi de séjourner chez son fidèle disciple Thierno Mbaye Sylla à la rue Blanchot en ville. C’est au cours de son séjour que Thierno Mbaye lui donna la main de sa fille Aminata Sylla. De cette union naquirent d’abord Seydina Ababacar puis Sokhna Oumy Thiaw Lahi (fille cadette du saint-maitre).
Leur mère quitta ce monde très tôt et leur illustre père dut se charger lui-même de leur éducation. Quand Seydina Ababacar eut un âge compris entre 7 et 10 ans, un grand miracle se réalisa avec les fameuses lettres que lui fit décrypter son père (asws) alors qu’il n’avait même pas encore été initié à l’apprentissage de la langue arabe (cf. tribune du vendredi numéro 13).
À la suite de la disparition de son père en 1909, Seydina Ababacar est resté sous le tutorat de son frère ainé et nouveau Khalif Seydina Issa Rohoulahi (asws). Pendant la Première Guerre Mondiale (1914-18), les colons réclamèrent l’engagement des jeunes sous le drapeau français au titre de la contribution à l’effort de guerre. Pour mieux encourager les populations, ils demandèrent aux chefs religieux de donner l’exemple en envoyant chacun son fils ainé. Tivaouane envoya le fils ainé de Cheikh Sidy El Hadji Malick Sy du nom de Serigne Ahmed Sy ; tandis que Touba envoya Cheikh Fallou Fall fils de Cheikh Ibra Fall. À l’époque, Seydina Issa Rohoulahi (as) était le plus jeune Khalif du pays avec ses 38 ans et n’avait pas encore un fils en âge de s’enrôler. C’est pourquoi, à la place d’un fils ainé qui aurait dû la communauté Ahloulahi, son jeune frère Seydina Ababacar Lahi qui n’avait pas encore atteint la vingtaine se porta volontaire pour s’engager. Mais sa participation à la première guerre ne doit pas être analysée comme une banale affaire de combattant ordinaire. En effet, ce fils de Seydina Limamou Lahi n’avait pas pour vocation d’y tuer qui que ce soit mais plutôt pour sauver des vies et contribuer mystiquement à mettre un terme à cette barbarie de dimension internationale.
Au cours de cette Guerre, Seydina Ababacar Lahi avait accompli de hauts faits miraculeux au sein des troupes de la Triple Entente (les Alliés) en France, en Allemagne, Autriche-Hongrie et partout ailleurs où les opérations l’ont mené. Ces faits miraculeux ont été rapportés, à leur retour au pays, par ses camarades tirailleurs dont la plupart n’appartiennent même pas à la communauté Ahloulahi. À titre d’exemple, cette fois où leurs troupes se trouvant au bord d’un grand fleuve en France furent cernées et attaquées par les soldats allemands avec une rafale de tirs de mortiers et de mitrailleuses. N’ayant pas de moyen de navigation pour traverser le cours d’eau, Seydina Ababacar Lahi avait demandé à tous ses camarades de fermer les yeux et de poser chacun sa main droite sur l’épaule de l’autre ; tandis que le dernier de la chaine posât sa main sur lui (Seydina Ababacar). Après quelques secondes il leur avait demandé d’ouvrir les yeux et ils constatèrent tous avec stupéfaction que Seydina Ababacar leur avait miraculeusement fait traverser le fleuve en les sauvant des tirs des soldats de la Triple Alliance. Un autre fait réalisé par Seydina Ababacar c’est quand un de ses frère d’arme habitant Yoff marcha sur une mine et que la moitié de son corps était déchiqueté sous l’effet de l’explosion. Il s’approcha de son camarade qui le suppliait de mettre un terme à sa vie et lui conseilla de reconnaître que son père était le messager Mouhamed (asws). Quand le soldat prononça la parole «Baye Lahi mooy Rassoulou Lahi», il retrouva soudain tous ses membres inferieurs perdus. Baye Ilimane Thiaw (ancien Imam de Yoff) est venu à Yoff Layène raconter à Imam Mouhamadou Bachir Lahi ibn Seydina Ababacar en présence d’autres personnes dont Samba Gueye «Baye Bathie» une histoire que son propre père, Mame Niokhor Thiaw, lui avait rapporté de la Guerre.
Il raconta qu’un soir, pendant que leur bateau traversait un cours d’eau quelque part en Europe, Seydina Ababacar l’avait réveillé pour lui faire savoir qu’Allah l’avait informé que leur bateau allait traverser une zone de turbulence où les attendaient des torpilles ennemies pour les bombarder. Alors Mame Niokhor Thiaw lui demanda ce qu’ils devaient faire pour être épargnés et Mame Babacar Lahi de lui répondre : «j’ai demandé à Allah de me permettre de soulever le bateau en l’air pour s’échappe de ce lieu. D’ailleurs vas regarder sur le hublot, tu verras que j’ai déjà soulevé le bateau de mes deux mains.» Quand son cousin regarda à travers le hublot il vit deux grandes mains ressemblant à celles de son ami et sur le doigt d’une de ces mains il put reconnaitre la bague « aqiiqa » que portait Seydina Ababacar Lahi.
Quand son frère Seydina Issa Rohoulahi (as) quitta ce monde, Seydina Ababacar Lahi renouvela son allégeance auprès du nouveau Khalif, son frère Seydina Mandione Lahi. Mais il ne s’en limita pas là. En effet, Seydina Mandione Lahi s’était toujours placé sous l’ombre de leur frère ainé, le premier Khalif Seydina Issa (as) à tel point que la plupart des fidèles ne s’était pas mis à l’idée qu’il serait le futur Khalif. Il était donc méconnu de la plupart d’entre eux. Pour ne pas risquer de les voir remettre en question l’autorité du nouveau Khalif, Seydina Ababacar Lahi est allé vivre à ses cotés à Cambérène au cours des premiers six (6) mois de son califat. Après chaque prière, il restait devant la mosquée avec les fidèles regroupés à ses côtés pour les informer sur la dimension spirituelle de son frère Seydina Mandione (nouveau Khalif). Et il ne manquait jamais l’occasion pour les mettre en garde contre le risque de défier l’autorité de son frère ou de contredire sa volonté. C’est d’ailleurs à cette occasion qu’il avait prononcé cette célèbre phrase : «Kep ku sama Baay jur Ngaydé nga ! Sunu mak Seyna Isaa ngayndé la woon gu mag waayé sama Baay xamaloon na nu naka la nu kay jaté. Waayé Seyna Manjoon nak sama baay jotu noo xamal nu nu kay jaté».
Seydina Ababacar était doté de dons hors du commun. Les gens venaient de partout pour bénéficier de son savoir et de ses prières miraculeuses qui s’exécutaient automatiquement. À ce propos le grand poète Imam Mouhamadou Sakhir Gaye confirmait :
Cependant, le 10 octobre 1966 correspondant au 25e jour du mois lunaire « maamu koor » de l’an 1386, Seydina Ababacar Lahi quitta ce bas-monde, plongeant ainsi l’univers dans une profonde tristesse.
Il était réputé être le portrait craché de son illustre père (asws). Et Imam Sakhir pouvait s’interroger tristement :
«Ñu ñaan ci barké Maam Mbay salaam tay saxo amiin amiin yaa ibadalahi»
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