BARA A TOUJOURS FAIT ALLUSION A LA MORT DANS SES POEMES

« Inna Lillâhi, Yàllaa moom jaam ñi ak la nu am
Inna Ileyhi mbindéefam du ka raw fa nu jëm
Nu ngiy dëgërluy baaluy gëm
Di jéggalu ngir, demuk [Bara] dafa tiisóon xool yi wóolu te gëm »

Son grand-père avait dit cela en hommage à Seydina Mandione Lahi, 2ème Khalif Layène, lors de son rappel à Dieu. J’emprunte ces vers pour décrire la situation qui prévaut depuis l’annonce du décès de Seydi Bara. J’ai envie de l’appeler Bara As-Siddîq.

Les derniers vers qu’il a partagés ont particulièrement attiré l’attention, vu le timing, mais Bara a toujours fait allusion à ce jour fatidique, avec des mots assez similaires. En 2013 déjà, dans Dagaan, il disait : « Xabaar bey jolli, nuy yuuxóok a jooy, nu sàng ma sër ba, néeg ba selaw nu muur ma ». C’est l’étape de la fin. Plus tôt avant ce passage, nous y trouvons : « Bu dee yeksee nu toogu ma daldi jaaxle, ma febar lool njaboot gi yërëm wër ma/ Pexeey doktor seriñ saak maam ya jàllul, la nuy jéem niil ci xettali maak ci faj ma/ Ma xool sama man man, wërsëk wi askan, mu leer ma ni Yàlla rek moo man wéral ma/ Malaakal Mawti yeksi taxaw di waajal, samak Rû naa ko, saa bi taxaw na, jël ma ». Il savait que c’est une station incontournable.

Bara était plein de vie et avait un sourire magique, vrai et contagieux. C’est l’image que je vais garder de lui. Il croyait fermement aux diversités mais n’acceptait pas qu’on puisse s’en servir pour faire naître des divergences. Tu es mouride, je suis Layène ? D’accord, ce n’est pas un souci. Tenons-nous la main et menons à bout ce projet. Tu es arabophone, je suis francophone ? Tu es artiste , je suis marketing designer. Pareil. Il gardait la même philosophie. Nul n’avait besoin de camoufler son identité à ses côtés. Il tenait beaucoup à positiver et à unifier autour de lui. C’était presque un gâchis pour lui de constater que deux personnes, deux entités ou autres préféraient cheminer indépendamment au lieu d’unir leurs forces, afin de produire un cocktail explosif de réalisations. Cette vision l’a animé à tous les niveaux. Peut-être est-ce la raison pour laquelle il était engagé sur autant de projets ?

Je me suis demandé plusieurs fois s’il lui arrivait de dormir, quand je recevais un message à une heure tardive de la nuit, alors qu’il a passé la journée à être affairé, soit par les occupations professionnelles, par les sollicitations au sein de la communauté, sa vie de poète, ou tout simplement par/pour la famille. Je me plaisais à l’appeler « M. Projets. » Il était sur tous les fronts, comme en témoigne sama soppe Daouda Mbaye. D’ailleurs, beaucoup de personnes ont dû se demander : « Et nos projets ? » quand la nouvelle leur est parvenue. Seulement, le connaissant, il ne voudrait pas vous voir ralentir, stopper, voire douter. « Sawaay doxalal. » Cela, Mbaye Laye l’a bien compris. Il avait foi en l’humain et savait le mettre en valeur. Les gens qui l’ont cotôyé le savent : XadijaLay Nassiiha et Nit Nité l’ont souligné.
Il vous incitait et vous encourageait à prendre les devants quand vous posiez des contraintes liées à vos faiblesses/limites ou preniez trop de précautions par prudence, pas dans le but de vous exposer mais plutôt de vous « éveiller » sur vos forces. Il disait : « faut que nga def nàngam », « da nga war a nàngam », comme pour insister sur la responsabilité qu’appellent certaines compétences ou aptitudes. Cela n’avait pas besoin d’être parfait. « Defal rek wala nga jox ma boo pare ma gérer ». C’était un leader et coach plein.

L’apport de la vie de Bara, s’il fallait l’imager tel un livre, se résume en une formule : « il n’y a pas d’excuses. » Les jeunes de notre génération ne pourront pas dire, « je suis occupé par mon travail, mes études, je ne peux pas participer aux mouvements religieux de ma communauté », qu’il soit question du cadre religieux ou professionnel. « Je ne peux pas apprendre l’arabe parce que j’ai trop de retard. » « Je n’ai pas de vie à cause de mes occupations. » Il a tout réussi en 42 ans, en étant utile, localement et globalement. Lii mooy tekki.

Al Hassane Salam Lahi