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SEYDINA MAME ALASSANE LAHI (1915-2001) : 4ème Khalif de l’Imam Al-Mahdi (psl)

today4 août 2024 126 2

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Mame Alassane Laye, la naissance d’un noble héritier

Mame Alassane naquit en 1915 à Yeumbeul, village natal de sa sainte mère. Il fut le fils unique de Mame Faty Laye Diop communément appelée « Yayi Rane ».

A sa naissance, on lui donna le nom de son grand père Mame Alassane Thiaw, père de Seydina Limamou (PSL). Son grand-père maternel se nomme Mame Malick Diop fils du Grand Serigne de Dakar Dialy Beukeu Paye, différent de Dialy Ngoné Mbengue, premier Grand Serigne de Dakar. Sa grand-mère maternelle s’appelait Mame Fall Seck, fille d’Amadou Seck, fils de Mame Beugouma Seck, lui-même fils de Wassoul Seck fondateur du village de Mbao.

C’est de par sa lignée maternelle que Mame Alassane, Seydina Ababacar Laye et Serigne Mansour Sy « Borom Daara dji » ont des liens de parenté. Ils ont tous les trois pour ancêtre commun, Mame Beugouma Seck. En effet, la mère de Mame Babacar Laye, Mame Toute Sylla est la fille de Mame Amina Seck, fille de Mame Beugouma Seck. La maman de Serigne Mansour Sy, Mame Astou Seck, est la file de Mame Demba Seck, fils de Mame Beugouma Seck.

Voilà en résumé, les origines et la naissance de Seydi Mame Alassane Lahi.

Un apprentissage méticuleux de la Vie aux côtés d’un Educateur chevronné

Mame Alassane passa sa tendre enfance à Yeumbeul avant d’être ramené à Yoff auprès de son père Seydina Mandione Laye qui le confia à sa fille ainée Aita Séne Laye. Puis, Seydina Issa Rouhou Lahi le prit sous son aile afin de parfaire son éducation et le préparer ainsi aux responsabilités futures.

C’est pourquoi Seydina Issa portait une attention toute particulière à la formation de Mame Alassane. D’ailleurs, ce dernier racontait souvent la surveillance étroite dont il faisait l’objet de la part de Seydina Issa qui n’hésitait pas à punir sévèrement tout écart de sa part. « Si je vous dévoilais mon corps, vous y retrouverez les traces de cette éducation sans complaisance » disait Mame Alassane. Il ajoutait : « Seydina Issa savait que je serai un jour le khalif du Mahdi ; c’est pourquoi il ne négligeait aucun aspect de mon éducation afin de m’apprêter au mieux à supporter la lourdeur des charges futures. »

Ainsi, c’est Seydina Issa qui commença son alphabétisation en lui écrivant de sa sainte main les premières lettres du Coran. Plus tard, Seydi Mame Alassane, toujours en quête de savoir, se rendit auprès d’érudits de l’époque pour se bonifier et consolider davantage ses connaissances. C’est dans ce sillage qu’il a eu à mémoriser bon nombres d’ouvrages religieux. Il a aussi eu à approfondir ses connaissances islamiques auprès de son père Seydina Mandione mais aussi chez Babacar Diallo fils de Tafsir Abdoulaye Diallo.

Après ses études et arrivé à l’âge d’adolescent, il fut emmené par son vénérable père Seydina issa chez Cheikh Abdoulaye Diop pour apprendre le métier de maçon. Ainsi, il séjourna plusieurs années à Thiès, accompagnant son patron dans ses différents chantiers. Plus tard, devenu maçon confirmé, il sera libéré par ce dernier afin de travailler pour son propre compte.

A son retour, il fut employé par la mairie de Dakar comme maçon et participa de ce fait à des travaux de grande renommée comme la construction de l’aéroport de Dakar, de la route Nationale N°1 et la rénovation des mausolées de Seydina Limamou et de Seydina Issa entre autres.

Il eut à former bon nombre de jeunes au métier de maçon. D’après l’un de ses secrétaires Maguèye Séne, à qui Mame Alassane avait confié les travaux de rénovation du mausolée de Seydina Limamou (PSL), Seydi Mame Alassane avait de solides connaissances en matière d’architecture. Il lisait lui-même les plans qu’on lui proposait et y apportait la plupart du temps, des remarques très pertinentes. Ce qui ne l’empêchait pas de venir constater de visu l’avancement des travaux dans les deux mausolées.

Mame Alassane Laye, l’expression d’un amour fort envers la famille de Seydina Limamou

Selon un proverbe Wolof : « la bonté d’un individu, est tributaire du jugement de ses proches » . Un autre proverbe dit : « on peut changer d’amis mais pas de parents».  Ces deux adages se reflètent parfaitement dans la conduite de Mame Alassane et dans ses rapports avec tous les membres de sa famille. Baye Rabe disait souvent : « si un malheur devait frapper des membres de la famille de Seydina Limamou, j’implore à Dieu, d’en être la seule victime et de les en épargner ». Cela témoigne en somme toute l’affection qu’il portait à la famille du Mahdi.

On raconte qu’un jour, tôt le matin, il se rendit dans la demeure de Seydina Issa Rouhou Laye(PSL). A sa vue, ce dernier lui dit qu’il était très matinal pour sa ziarra du jour. Mame Alassane lui répondit : « père, aujourd’hui, je suis venu rendre visite à mon jeune frère Ablaye ». Seydina Issa fut si content qu’il remit beaucoup d’argent à Serigne Ablaye en lui disant : « ce matin, tu as un visiteur de marque, honore-le ». Ce geste illustre, à bien des égards, les relations teintées d’amour et de cordialité entre Mame Alassane et la famille de Seydina Limamou Lahi (PSL).

Entre Serigne Ablaye et Mame Alassane, les relations étaient très profondes. En atteste la confiance absolue qu’ils se vouaient. D’ailleurs, Mame Alassane était l’une des rares personnes qui pouvait raser Chérif Abdoulaye à sa demande.

Un jour, une de ses sœurs, fille de Mame Babacar Laye était venue lui rendre visite. Mame Alassane la retenait à chaque fois qu’elle voulait rentrer, car ne disposant pas d’argent par devers lui. Il tenait coûte que coûte à lui offrir quelque chose. Quelques instants plus tard, une personne arriva, fit sa ziarra et remit une enveloppe au Khalife qu’il donna à sœur et la libéra. Arrivée chez elle, elle constata que l’enveloppe contenait beaucoup trop d’argent. Elle retourna sur ses pas et demanda à Mame Alassane s’il n’avait pas fait une erreur. Ce dernier lui dit « je n’ai pas à compter le contenu de l’enveloppe car j’avais décidé que tout ce qui me sera donné en ta présence sera pour toi. Va, ma sœur, quel que soit le montant, il te revient de droit ». Voilà en substance, l’exemplarité des bons rapports que le saint Mame Alassane entretenait avec la famille de Seydina Limamou lahi.

Mame Alassane Laye, un humaniste fidèle et serviable.

Il a été au service de son père durant toute sa vie et lui a été d’une fidélité et d’une obéissance à toute épreuve. D’ailleurs c’est Seydi Mame Alassane et son grand frère Baye Seydi Thiaw qui jouaient alternativement le rôle de chambellan auprès de leur père, Seydina Mandione.

Un jour, Cheikhal Islam El Hadji Ibrahima Niasse et El Hadji Abdoul Aziz Sy Dabakh étaient venus à Yoff pour effectuer une visite auprès du Khalife Seydina Mandione et lui présenter à la même occasion, leurs condoléances suite au rappel à Dieu de Seydina Issa Rouhou Lahi (PSL). Ils trouvèrent dans la maison Seydi Mame Alassane qui les accueillit avec tous les honneurs dus à leur rang. Les visiteurs furent frappés par tant de délicatesse, de gentillesse et de politesse qui émanaient de cet homme. Lorsque vint le moment de les introduire auprès de son père, Mame Alassane se tint devant la porte de ce dernier et prononça à trois reprises la formule d’unicité de Dieu : « laa Ilaa ha Ila Lahou » ; à la troisième incantation, on entendit Seydina Mandione répondre à son fils en disant : « Mouhamadou Rassouli Lahi » (PSL). Il entra, et les deux visiteurs, ébahis, se regardèrent et comprirent qu’ils venaient d’être témoins d’un grand exemple de discipline et de sagesse.

Un proverbe Wolof dit : « le grand frère est un père» cela signifie qu’en l’absence du père, il faut considérer son ainé comme tel. Seydi Mame Alassane n’a pas dérogé à cette règle. Il a suivi son grand frère Baye Seydi Thiaw comme il l’avait fait pour son père. Du vivant de Baye Seydi Thiaw, Mame Alassane ne prenait aucune décision sans l’aval de ce dernier.

On raconte qu’un jour, alors qu’il était encore jeune, il confia à sa mère avoir vu en songe son grand frère Seydi Thiaw assis sur le trône de leur grand-père Seydina Limamou (PSL). Il demanda à sa mère de prier pour lui afin qu’il puisse suivre et obéir à son frère lorsque la charge lui viendra. Son vœu fut exaucé car jamais Mame Alassane n’a rechigné à exécuter les ordres de Baye Seydi Thiaw, qu’il pleuve ou qu’il vente, de nuit comme de jour. Il était constamment à ses côtés.

Un jour Mame Alassane tomba malade. N’étant pas au courant de son état, Baye Seydi Thiaw le fit appeler auprès de lui. Malgré ses douleurs, Mame Alassane se traina difficilement jusqu’à la porte de son grand frère. Tétanisé par la douleur, il ne put poursuivre son avancé. Lorsque Baye Seydi Thiaw l’a vu dans cet état, il fut meurtri et une vague de pitié le submergea ; il interpella son jeune frère en ces termes : « Rane, pourquoi tu ne m’as pas dit que tu étais souffrant ? » devant le silence de ce dernier, des larmes coulèrent sur le visage de Baye Seydi Thiaw.

Voilà résumée toute l’obéissance de Mame Alassane envers ses devanciers sur le khalifat du Mahdi.

Par ailleurs, Mame Alassane Lahi était au service exclusif de la communauté « Akhlou Lahi ». Il était l’exemple vivant de l’homme au cœur pur. Les apparats de ce bas monde n’étaient pour lui que chimères. Il était sobre, vertueux, patient et humble. Sa grande modestie était connue de tous. Mame Alassane respectait en chaque humain, la créature divine qu’il représentait ; il portait tout le monde en estime quel que soit le rang social ou le poids de leur portefeuille. Il traitait tout le monde sur le même pied d’égalité. Sa parole était à l’image de ses actes ; il était une école pour tous ceux qui aspiraient à la droiture.

Toutefois, Mame Alassane abhorrait la paresse et l’oisiveté. Il ne cessait d’exhorter les jeunes à apprendre un métier et à l’exercer plus tard afin de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur future famille. Il était un modèle dans ce sens.

Une des innombrables qualités de Mame Alassane était entre autres sa propension à offrir des repas à tous ceux qui venaient à lui. Sa demeure ne désemplissait jamais et tout le monde mangeait à sa faim.

Il était un homme véridique. Il disait : « de ma bouche, jamais n’est sorti un propos mensonger ; c’est pourquoi Allah ne rejettera jamais mes prières ».

Voilà toute la magnificence de cet homme au cœur d’or, qui a hissé la notion de partage en des sommets jamais atteints.

Le Noble héritier à l’effigie du Mahdi: la confirmation venue de La Mecque.

Mame Alassane Laye effectua son pèlerinage en 1962. Dans la délégation Sénégalaise de cette année-là on peut citer quelques noms comme Imam Mouhamadou Sakhir Gaye, Mada Seck le célèbre animateur de la RTS et Ami Collé Sow petite fille Mamadou Sow plus connu sous le nom de Baye Laba, un des fidèles compagnons de Seydina Limamou. Mame Amy Collé Sow nous raconte, rapportant les péripéties de leur long voyage en mer sur la route du pèlerinage, que des miracles se sont produits au cours de cette traversée : « Une dame était décédée dans le bateau. Les tentatives pour l’enterrer durant les différentes escales furent vaines car ayant été refusées par les autorités locales des pays traversés. Tout le monde craignait dès lors un pourrissement du cadavre qui rendrait le voyage infernal et interminable. C’est sur ces entrefaites, alors que personne ne trouvait une solution à cet épineux problème, qu’intervint Mame Alassane Laye qui caressa de sa sainte main le visage de la défunte ; à l’étonnement de tous, nous avons pu faire tout le voyage durant plusieurs jours sans qu’aucune odeur ne sortit du cadavre jusqu’à son inhumation ».

Mame Alassane lui-même, racontant le déroulé de la ziarra effectuée par la délégation sénégalaise auprès de Cherif Hassan, petit-fils du Prophète, disait : (Pendant que le chef de la délégation faisait les présentations jusqu’à ma hauteur, le Cherif l’interrompit et lui dit : « il n’est pas nécessaire de me présenter celui-là car je sais que nous avons le même sang. Il est un petit-fils du prophète »). Imam Sakhir demanda au Cherif de répéter ce qu’il venait de dire à propos de Mame Alassane. Celui-ci réitéra ses propos et leur promit qu’ils en verront les preuves avant leur retour.

Ainsi, ce voyage fut jalonné par de nombreux autres faits miraculeux de Seydi Mame Alassane Laye par la grâce d’Allah dont tous les pèlerins de cette année furent témoins. C’est ce qui explique d’ailleurs l’attachement de Mada Seck à l’endroit de Mame Alassane et de la communauté Layene.

 

Mame Alassane Laye le saint, le généreux, l’humble.

Il était d’une grande sainteté mais aussi d’une modestie et d’une générosité à toute épreuve. Seydi Mame Alassane n’était pas ébloui par les artifices de ce bas monde mais était résolument tourné vers la face d’Allah afin de bénéficier de ses bienfaits.il disait souvent : « je ne suis pas de ce monde. »

Mame Alassane Laye était un homme accessible et ouvert. Il disait : « Ne fermez pas la porte de ma maison. Laissez les gens venir à moi, je ne veux pas de protocole»

Sa générosité était sans pareille. Il donnait sans compter. Sa simplicité était connue de tous. Il s’asseyait souvent par terre tandis qu’il demandait à ses visiteurs de se mettre confortablement dans les fauteuils. Son viatique était la sobriété et le partage.

On raconte qu’un jour, son père Seydina Mandione l’appela puis inscrivit trois lettres (d, d, d) à même le sol et lui demanda de se méfier de ce qu’elles représentent. Le premier (d) signifie « Dereume » (argent) ; le deuxième « Daraja » (Recherches de privilège) et le troisième « djiongoma » (la femme). Il fit de cette leçon son bréviaire tout au long de sa vie. Son Saint père ajouta : « soit le maitre de tes biens et non leur esclave».  Ceci explique, à n’en pas douter, sa générosité légendaire. Il lui arrivait souvent de distribuer tout ce qu’il possédait par devers lui jusqu’à emprunter de l’argent aux membres de sa famille pour satisfaire une demande toujours présente et pressante.

Daouda Dieng, un de ses proches collaborateurs raconte qu’un jour, comme à l’accoutumé, le Saint Mame Alassane était en train de s’adonner à son activité favorite : le partage. A mon arrivée dit-il, il me demanda si j’avais de l’argent car il avait déjà distribué tout ce qu’il possédait. Je lui dis que j’avais dix mille francs car j’étais sûre que si je lui donnais tout l’argent du monde, il allait tout distribuer jusqu’au dernier sou. Il me dit : « va m’emmener l’argent que tu as gardé dans ta voiture », ce que je fis et il le partagea aux nécessiteux.

Sa demeure était le refuge des pauvres, des impotents et des nécessiteux. Il lui arrivait de demander à une personne dans le besoin de patienter parce qu’il n’avait plus rien à lui donner. Il lui disait alors : « patientons ensemble ; la première chose qui arrivera sera pour toi ».  Quelle bonté ! quelle magnanimité ! Son seul souci était de ne jamais laisser bredouille, la main qui lui était tendue. Ceci ne peut être que l’héritage qu’il eut reçu de son grand-père, le Messager d’Allah, le Mahdi Seydina Limamoul Lahi (PSL).

Mame Alassane était aussi un homme humble. Il demandait souvent pardon à sa famille pour les désagréments qu’ils pouvaient subir à cause de la lourdeur de ses charges. Il n’a jamais envoyé sa fille sans l’accord de son mari. Ceci témoigne de son savoir vivre et son sens des responsabilités.

Quand ses oncles lui rendaient visite, ils s’assaillaient par terre par honneur à son rang, mais Mame Alassane leur disait : « il est vrai que je suis le khalife mais vous êtes mes oncles. Assaillons-nous tous sur les fauteuils ou mettons-nous ensemble par terre ». Cette humilité était réservée à tous ceux qui venaient vers lui sans distinction de race ni de religion. En témoignent les visites que lui faisait son ami Dominique Ndecky, ancien directeur de la RTS. Mame Alassane lui s’asseyant à même le sol, lui demandait toujours de se mettre dans les fauteuils.

En étant khalife, il lui arrivait souvent de faire ses prières à la mosquée en se mettant discrètement au dernier rang afin de ne pas perturber. Un jour, alors qu’un conflit couvait à l’intérieur du village de Yoff, il en fut informé. A la prière du vendredi, il se mêla aux fidèles et pria avec eux. Après le Salam, les camps en conflit, informés de sa présence, vinrent à lui et lui dirent : « nous savons l’objet de ta venue. A l’instant où nous parlons, nous avons abandonné toutes hostilités grâce à toi ».

Mame Alassane Laye une sentinelle de la cohésion sociale

Il entretenait avec les Yoffois une double relation : des liens territoriaux et de parenté. En effet, la vie de Mame Alassane était intrinsèquement liée à cette terre ou son grand père, le Mahdi a fondé une communauté regroupée sous la bannière de l’unicité de Dieu «laailaa ha il la laahou ». Donc, ce fut tout naturel qu’il y joua un rôle de conciliation, de réconciliation afin de favoriser une bonne cohésion et d’instaurer une paix durable entre concitoyens de la localité.

Ainsi, il était incontournable dans le règlement des conflits qui survenaient Yoff ; et chaque fois que des incompréhensions surgissaient dans n’importe lequel des quartiers de Yoff, toutes les pensées se tournaient vers lui. Avec l’aide de Dieu et à la confiance absolue qu’avaient ses concitoyens envers lui, il parvenait toujours à trouver des solutions aux problèmes qui se posaient et ses décisions étaient accueillies avec le plus grand respect.

Un jour des chefs de quartier de Yoff étaient venus le trouver à Cambérène pour lui faire part d’un contentieux qui les opposait. Après les avoir écouté, il leur dit que les problèmes de Yoff devaient être traités à Yoff. « Retournons ensemble chez nous pour en parler » leur dit-il.

Ce lien particulier qu’il entretenait avec Yoff et ses habitants, expliquait, l’affection que ces derniers lui portaient et leur implication sans réserve aux activités de l’Appel du temps de son vivant. D’ailleurs, Chérif Abdoulaye, l’actuel Khalife disait que les Yoffois se sont beaucoup plus impliqués dans les préparatifs de l’Appel durant le Khalifat de Seydi Rane à cause des relations particulières qui les liaient à lui. Il était un fervent défenseur de Yoff et des Yoffois sans distinction. Toute préoccupation de Yoff était sienne, il n’hésitait pas à se battre pour défendre sa ville. Il s’était érigé en avocat de Yoff et était le rempart de la cité contre toute agression interne ou externe.

Il était aussi leur intermédiaire auprès les autorités et ouvrait de manière permanente à la facilitation des rapports entre les différents quartiers de Yoff. Il les exhortait à parler d’une même voix quand l’intérêt commun était en jeu. Seydi Rane se déplaçait souvent de nuit pour aller résoudre, dans la plus grande discrétion, certains conflits latents.

Seydi Mame Alassane, en adoptant ce comportement de bon citoyen vis-à-vis de Yoff, n’a fait que suivre les pas de son grand père Seydina Limamou(PSL) et perpétuer une tradition instaurée par ce dernier depuis belle lurette. En effet, son grand père, le Mahdi distribuait beaucoup de viande aux nécessiteux le jour de la tabaski puis le premier vendredi suivant la fête, il faisait préparer beaucoup de mets qu’il allait servir aux fidèles, à la mosquée de Dagoudane (un quartier traditionnel de Yoff).

C’est cet exemple de partage et de bon voisinage que Seydi Mame Alassane a essayé de revivifier toute sa vie durant.

Mame Alassane, un berger attentionné et magnanime

Il était d’un abord facile et gardait une grande proximité avec tout le monde en général mais avec les fidèles layènes en particulier. Il était fidèle en amitié et s’entourait toujours de conseillers dans des domaines variés ; avant de prendre toute décision de grande portée, il se référait invariablement à ces derniers.

Mame Alassane suivait chacun des fidèles comme un berger suivrait son troupeau. Il disait : « je ne cesserais un seul instant de vous observer et de vous guider jusqu’à ce que vous deveniez de véritables fidèles layène (dotés d’une foi inébranlable) ».

Il ne se lassait jamais à assister les fidèles lorsqu’ils en avaient besoin. Il allait lui-même dans les hôpitaux leur rendre visite quand l’un d’entre eux tombait malade. Il fit cela jusqu’à un âge très avancé.

On tient d’un « talibé » Layène du nom de Thiane Wade qu’un jour, il reconnut Mame Alassane dans les couloirs de l’hôpital principal et alla à sa rencontre pour le saluer. Mame Alassane lui demanda l’objet de sa présence en ces lieux et le vieux Thiane l’informa de l’hospitalisation de sa femme. « Allons la voir tout de suite » lui dit le saint homme. Ce qui fut fait dans l’immédiat. Thiane Wade fut impressionné par tant de spontanéité et de modestie de la part du khalife du Mahdi.

Il vouait un grand respect à tous, sans exception, disant toujours qu’un bon guide doit veiller à ne jamais rabaisser quelqu’un. Au contraire il devait respect et considération à tous ceux qui venaient vers lui car ignorant celui qui est important ou non aux yeux de Dieu.

Les temps fort d’un Khalifât

Il fut Khalife de 1987 à 2001. Il dirigea la communauté Akhlou Lahi de la plus belle manière en ramenant inlassablement certaines brebis sur le droit chemin, à chaque fois qu’ils s’en écartent afin leur éviter l’égarement et la perdition.

En 1993, Mame Alassane lança un message fort à l’endroit des guides religieux en leur faisant savoir qu’il est de leur devoir impérieux de se rendre visite mutuellement, d’entretenir de solides et cordiales relations, eux, qu’Allah avait placé à la tête de la Oumma. Il ajoutait que même les gens dont le souci est l’obtention des biens de ce bas monde, se voient régulièrement pour faire prospérer leurs affaires. A fortiori eux qui devaient faire prospérer la voie de Dieu.

Durant toute sa vie Mame Alassane s’est investi à raffermir et à solidifier ses relations avec ses pairs. A chaque fois que des disciples d’autres familles religieuses venaient lui rendre visite, il ne manquait jamais de leur demander des nouvelles de leurs guides et de les exhorter à leur porter assistance et considération.

On rapporte que Serigne Mbaye Sy Mansour, l’actuel Khalife des Tidianes, devait animer une conférence religieuse. A sa grande surprise, il trouva dans la salle Mame Alassane Laye. Après les salutations d’usages, Sergine Mbaye annonça à l’endroit de l’assistance son désir de substituer l’exposé par des prières. Il ajouta que toutes leurs prières seront exaucées par Allah. Il joignit l’acte à la parole en tendant ses mains à Mame Alassane et tout le monde l’imita. Après les prières du Khalife, Serigne Mbaye leva la séance en disant que l’assemblée a été bénie et gratifiée par Allah avec la présence de ce saint homme.

Mame Alassane entretenait de bonnes relations avec les guides religieux de son époque. Ainsi, avec Sergine Abdou Aziz Sy Dabakh, les rapports étaient excellents et les deux guides s’entretenaient régulièrement. Il en était de même avec Sergine Abdou Ahad Mbacke qui, à chaque tabaski, envoyait un grand lot de moutons à Seydi Mame Alassane pour attester de l’affection qu’ils se vouaient mutuellement. Les mêmes relations étaient entretenues avec Thienaba et il ne manquait jamais, lorsque des délégations de cette sainte cité venaient lui rendre visite, de leur offrir un présent dans le but de raffermir les bons rapports qu’ils avaient.

Lors du rappel à Dieu de EL Hadji Abdoul Aziz Sy Dabakh, Mame Alassane se rendit lui-même à Tivaouone pour présenter ses condoléances et celle de la communauté layène. Il prodigua à l’occasion quelques conseils à Sergine Mansour Sy, son successeur. Il lui disait en substance que la charge qui pesait désormais sur ses épaules était lourde mais elle serait légère si elle est partagée avec les frères.  « Place ton Khalifa au service exclusif de la famille d’El Hadji Malik Sy et de la « Tarikha » que tu diriges aujourd’hui par la grâce d’Allah » lui dit-il.

Ces rapports de bon voisinage, Mame Alassane ne les réservaient pas uniquement aux guides musulmans mais ses relations avec les responsables de l’église catholique du Sénégal étaient également empreintes de cordialité et de respect mutuel.

Mame Alassane fut un chantre de la paix et un exemple de patriotisme. Il ne se lassait jamais lorsqu’il s’agissait d’apaiser des conflits à travers le pays de prendre son bâton de pèlerin, de sillonner les routes du pays dans le seul but d’éteindre les foyers de tension susceptibles de s’enflammer. A maintes reprises, il est intervenu dans les rapports heurtés entre les acteurs politiques du pays pour rapprocher les positions et ainsi éviter l’embrasement. Pour ce faire, il a toujours entretenu des rapports pleins de cordialité avec tous les acteurs politiques sans parti pris. C’est pourquoi il était écouté et tout le monde lui prêtait une oreille attentive.

Il adressait des correspondances aux autorités du pays lors des événements de portée nationale (comme la fête de l’indépendance), pour les féliciter et les exhorter à mieux écouter le peuple.

Alors que Mame Alassane venait juste de boucler sa première année de Khalifa, en 1988, cette année coïncida avec des élections suivis de graves troubles. Abdoulaye Wade, chef de l’opposition d’alors, refusa de reconnaitre les résultats proclamés. La tension était à son paroxysme. C’est dans ces circonstances tendus que Mame Alassane se rendit chez Abdoulaye Wade dans sa maison du Point E et lui dit en substance : « nous n’allons pas vous laisser bruler le pays Abdou Diouf et toi car il ne vous appartient pas. Apaisez vos relations et ramenez la paix dans ce pays ». Après de francs échanges, Maitre Wade promit de faire baisser la tension et Mame Alassane se rendit immédiatement chez Abdou Diouf, au Palais de l’Avenue Roume. Il y croisa El Hadji Abdou Aziz Sy qui sortait d’un entretien avec le Président. Les deux guides religieux s’étreignirent chaleureusement avant que chacun ne rapporta à son homologue les démarches qu’il a déjà faites. A la suite de cette entrevue, El Hadji Abdou se dirigea vers la demeure de Maitre Wade pendant que Seydi Rane s’entretenait avec le président Abdou Diouf. Le lendemain, après un tête-à-tête entre Abdou Diouf et Wade, le calme revint dans le pays et chacun vaqua à ses occupations.

Pour prévenir de tels événements, Mame Alassane lança un discours mémorable à l’approche des élections de 1993 et disait en substance ce qui suit : « Nous sommes au seuil d’une compétition dont les dividendes ne sont que mirages de ce bas monde et ne nous accompagneront dans nos tombes. Conscients de tout cela, nous devons y aller avec calme, sérénité et transparence. C’est Allah qui donne le pouvoir à qui il veut. Nos valeureux devanciers nous ont légué un pays stable ou règnent la paix et la cohésion sociale ; il est de notre devoir impérieux de sauvegarder ces acquis. Allah nous lance une injonction dans le saint Coran en nous demandant de nous abstenir à gâter cette terre qu’il a construit de la plus belle des manières ». Mame Alassane conclut : « nous aimons tous ce pays et nous devons y semer les graines de la paix et de l’amour ».

En bon bâtisseur, Il a eu à effectuer d’importantes réalisations parmi lesquelles la réhabilitation de la résidence du Khalifat et du mausolée de Seydina Limamou (PSL).

Il apportait aide et soutien aux étudiants en leurs octroyant des bourses que l’État mettait gracieusement à sa disposition. Ainsi, nombre de jeunes Layènes ont pu aller poursuivre leurs études à l’étranger. Il portait une importance particulière à l’éducation, en atteste son déplacement jusqu’à Fatick pour assister aux cérémonies de lancement des activités tendant à booster la scolarisation et le maintien des filles à l’école (SCOFI).

C’est aussi durant son magistère que la première autoroute du Sénégal fut baptisée du nom de son grand père Seydina Limamou Laye par le président Abdou Diouf. L’agrandissement de Yoff vers L’APECSY est aussi à mettre sous son actif.

Mame Alassane avait à cœur la rénovation et l’agrandissement du mausolée de Seydina Issa à Cambérène, la mort l’emporta avant que son désir ne puisse se concrétiser.

L’épilogue d’une vie utile au service de l’humain

Les derniers instants de sa vie ont été marqués par des maladies récurrentes et intenses. Malgré cela, sa foi et son dévouement ont toujours été une source de motivation et il allait toujours assister aux événements religieux même s’il devait marcher puis se reposer par intermittence. Cependant vers la fin du mois d’octobre 2000, la maladie s’aggrava jusqu’à l’empêcher de sortir présider les cérémonies officielles de l’appel, de même que la prière de korité de la même année.

Mame Alassane s’était bien préparé à la mort en choisissant lui-même l’emplacement de sa dernière demeure et en désignant les personnes devant assurer son lavage mortuaire. Sachant sa fin proche, il demanda à être conduit dans sa résidence de Cambérène, car disait-t-il : « c’est là, où je dois répondre à l’appel de mon seigneur et quitter définitivement ce bas monde».

Le Mardi 24 Avril 2001 à 16 heures, coïncidant au 29 « Muharram » (tamkharite) de l’an 1422 du calendrier Musulman, il s’éteignit laissant orphelins la famille et la communauté que lui avait léguées ses prédécesseurs.

Son décès fut entouré du plus grand secret afin d’éviter tout débordement. Discrètement, il fut immédiatement conduit à Diamalaye où il fut préparé et enterré à l’intérieur du mausolée de Seydina Limamou (PSL). Puis la nouvelle se répandit comme une trainée de poudre et tout le monde convergea vers Yoff.

Ainsi, s’acheva une vie remplie de sagesse et d’enseignements. Cherif Abdoulahi, son ami et frère, dirigea la prière mortuaire et lui succéda à la tête de la communauté Akhlou Lahi.

Comité Scientifique Layène

ENCADRE

Seydi Mame Alassane était un excellent père de famille qui s’occupait des siens malgré la lourdeur de sa charge. En témoigne cet entretien que son fils Dial Lahi Thiaw nous a accordé

Serigne Dial, quel père était Mame Alassane?

Arborant un sourire radieux et voulant esquiver la question, Serigne Dial cachait à peine l’émotion qui l’animait en convoquant le souvenir du père qu’était Mame Alassane Lahi. Il fera l’effort de prendre le dessus sur ses sentiments et les mots coulèrent de sa bouche : »il fut un sacré père qui couvait ses enfants. Il eut le privilège de nous voir grandir et de veiller scrupuleusement sur notre éducation. Il fut pour moi un ami ».

Le deuxième fils de Mame Rane se souvient: «Quand je partais en mission hors du pays, la première chose que je faisais une fois arrivé à destination, c’était de l’appeler. Si je sentais sa bonne mine par sa voix, alors la mission s’annonçait pour être une réussite, et si c’était le contraire je prenais le vol du lendemain ». Il poursuit : »Je ne pouvais pas durer à son chevet quand il tombait malade ».

Dial Lahi, avec une voix calme et un regard profond, nous raconte les derniers instants qu’il passa avec le Saint Homme: « Un jour il était un peu souffrant, je fis appel au médecin, et je voulus aller à un rendez-vous. Il me demanda d’attendre le médecin. A son arrivée, mon père me demanda de rester avec eux. En pleine consultation, j’ai remarqué que Mame Rane souriait mais ne parlait plus. Je fis la remarque au médecin. Celui-ci l’observa, et me dit en sanglots : » c’est fini, il est parti ». Mon frère Ndiaga Sarr qui était dans la chambre se mit lui aussi à pleurer. Je leur dit : »gardez votre calme, il est 16h21 et les mamans sont dans l’antichambre. Il nous faut une stratégie pour le sortir d’ici et jamais on ne la réussira en pleurant ». Nous eûmes l’idée de mettre Mame Alassane sur une chaise roulante et lui enfiler son turban. Une fois dehors nous dîmes aux mamans que notre père avait besoin de quelques jours de repos. Je me rappelle, des gens venaient prendre sa main et le saluer, sans savoir qu’il n’était plus de ce monde. Nous sortîmes de la maison pour nous diriger vers Diamalaye, site qu’il avait indiqué lui-même comme son lieu d’enterrement. Après avoir gravi les escaliers de Diamalaye, je ne me suis plus souvenu de ce qui s’était passé jusqu’au lendemain à 9h00. Je ne peux donner aucun détail de la prière mortuaire, je ne sais même plus comment j’étais rentré ce jour-là ». Et Serigne Dial de conclure : « il fut d’une générosité incommensurable et d’une noblesse légendaire ».

Comité Scientifique Layène

 

 

 

 

 

 

 

 

Écrit par: soodaan3

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