EXTRAIT DU LIVRE A PARAITRE
« L’HISTOIRE DES LAYENES
1839 – 1949″

(…) Seydina Limamou continuait à prêcher la parole de Dieu avec dévotion. C’est ainsi, qu’il envoya une lettre au roi du plus grand royaume de l’époque, Damel Samba Laobé Fall. Il lui notifia qu’il est l’envoyé de Dieu et lui demanda de croire en sa mission. Le roi du Cayor lui donna une réponse sans animosité mais voulu tester la véracité de ses dires. Il envoya un émissaire à Limamou (psl) en lui disant « A ton arrivée, dis-lui que Damel a fait un rêve et souhaiterait avoir son interprétation ». Le Damel ne lui donna pas plus de détails.

Arrivée à Yoff, l’émissaire fut reçu par Seydina Limamou Lahi. Après avoir délivré le message, Seydina Limamou lui dit « A ton retour, dis au Damel qu’au cours de la nuit de achuraa, il a effectué une prière surérogatoire après avoir effectué la prière de guéé. Ce fut une prière de deux génuflexions avec chacune une Fatiha et sept fois la sourate Yassin. L’objectif de cette prière était de connaitre l’avenir (istikhaar). Lorsqu’il s’est couché, il a rêvé de 3 poches de sang. Il a bu le premier et distribué le deuxième à tout son pays. » Seydina Limamou (psl) ne donna pas de détails sur la troisième poche de sang. Au retour de l’émissaire, il regroupa quelques disciples et leur donna des prières à faire avec leurs chapelets. Ils étaient tous assis autour d’un récipient. Chaque disciple qui finissait sa partie de prière devait plonger son chapelet dans le seau rempli d’eau. A la fin de cette séance de prière qui devait sauver le Damel, Seydina Limamou mit l’eau dans une gourde et le remit à un disciple pour qu’il l’apporte au Damel. Celui-là arrivé au palais fut intercepté par le jaraaf du Damel du nom de Demba Waar Sall. Il lui demande ce qu’il voulait au Damel, l’émissaire lui explique qu’il doit donner une eau bénite au Damel de la part de Limamou. Demba Waar prit la gourde en but la moitié et la remplit avec une autre eau. Il l’apporta au Damel et au moment de la lui donner, la gourde tombe, l’eau se renversa par terre et prit feu parce qu’elle fut diluée.

Le Damel, lucide, demanda à l’émissaire de remercier Seydina Limamou de sa part et lui donna un chameau comme présent à remettre à Almuntazar. Une fois que l’émissaire reprit le chemin du retour avec le chameau, Demba Waar Sall lui coupa la route pour reprendre le chameau qu’il avait jugé indu.

Quelques temps après le Damel Samba Laobé Fall écrit une seconde lettre à Seydina Limamou (psl). La lettre atterrit aux mains de celui-ci alors qu’il venait de terminer la prière de l’aube. Etant illettré, il remit la lettre à son disciple Tafsir Abdou Gaye pour qu’il la lui lise. La lettre disposait « je compte venir te rendre visite à Yoff prochainement. Par ailleurs, je suis préoccupé par cet abri du loup tout près du troupeau de chèvres. J’ai peur du jour où le loup chassera, reviendra bredouille, et passera devant le troupeau de chèvres. » Seydina Limamou (psl) dit à Tafsir Abdou Gaye que le Damel ne viendra pas car Demba Waar ne le laissera pas venir. En effet, lorsque le Damel fit savoir à son jaraaf son vœu de venir vers Seydina Limamou, il lui répond « tu peux y aller mais avant cela rends nous notre trône ».

Par cette métaphore, le Damel faisait allusion au colon en parlant du loup. Le troupeau de chèvres faisait allusion aux autorités locales pacifiques comme Seydina Limamou. Ainsi, le saint maitre demanda à Abdou Gaye de répondre à la lettre du Damel en ces termes « le loup est un loup de Dieu. De même que la chèvre est la chèvre de Dieu. Ils chemineront ensemble dans la forêt de Dieu sans problèmes. S’il plait à Dieu, le loup de Dieu ne pourra rien contre cette chèvre de Dieu qui est au couchant du soleil. » En effet, le Damel avait eu raison de s’inquiéter car il fut assassiné par les colons lors d’une bataille à la gare de Tivaouane le 06 octobre 1886 . Deux semaines plus tard, Lat Dior Diop fut assassiné à Derklé par le loup (colon).

Deux mois après, devaient commencer les persécutions coloniales envers la chèvre de Dieu, Seydina Limamou Lahi (psl) avec la fameuse lettre confidentielle du 17 décembre 1886. C’est ainsi que le Directeur de l’intérieur auprès du gouverneur Genouille à Saint Louis du Sénégal, nommé Quintrie écrit dans une lettre confidentielle du 17 décembre 1886 adressée à Banginski, délégué de l’intérieur à Dakar :

« Il semble résulter de certains renseignements, dont je n’ai pas lieu de suspecter l’origine, qu’une nouvelle secte religieuse se serait formée dans le deuxième arrondissement. Le chef qui se dit ressuscité, habiterait paraît-il le village de Yoff, et se promène un peu partout en vue d’accroitre le nombre de ses prosélytes dont le chiffre s’élève déjà à près de 300. La présence de cet homme dans la localité pouvant constituer un danger grave et nous susciter, à un moment donné, de sérieux embarras, j’ai l’honneur de vous prier de surveiller et de faire surveiller ses allures par le commissaire de police. »

Banginski, aidé par le commissaire de police Milanini et un agent nommé Mbaye organisèrent une surveillance et une enquête……