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TRIBUNE DU VENDREDI N° 149 : Quelques précisions sur la pratique du wird

today11 octobre 2024 137

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Quelques précisions sur la pratique du wird

« Inna diina nasiikha » dixit le saint-maitre Seydina Limamou lahi (asws). Autrement dit, « La religion, c’est la disponibilité généreuse ».

Or, ce 1er octobre 2024, une de nos sœurs condisciples très engagée dans la communauté du nom de Sokhna Lahi a posé le débat sur un sujet très important de notre époque à travers cette pertinente question suivante :
« Peut on faire le wird en faisant du sport (espace isolé, à la maison) ? »

La série de réactions, de prises de position assez intéressantes ainsi que les questions toutes autant pertinentes qui en ont découlé nous poussent à écrire pour tenter d’éclairer la lanterne de tous.

Dans son interrogation, celle qui se fait appeler « Ladi Na » ne parle pas de n’importe quel dhikr (invocation) mais plutôt du « wird » qui est un ensemble de litanies que les adeptes doivent prononcer chaque jour suivant un nombre et un ordre bien déterminés, et qui symbolise leur appartenance à une des voies soufies connues. Généralement, le wird est composé par le guide spirituel qui a créé la voie concernée sur la base de versets du Coran, des « asmâ ul Lahil husna » ainsi que des prières sur le prophète et des istighfâr (ou demande de pardon à Allah). Il permet d’entretenir le lien qui relie le « tâlib » ou « murid » à son Cheikh.

La pratique du wird est, cependant, encadrée par un ensemble de règles très strictes et bien définies. A titre d’exemple, avant de le pratiquer il faut avoir le « izn » ou autorisation donnée par le maitre spirituel ou un de ses représentant appelé « Mukhaddam » ou Fondé de pouvoir de la voie concernée. Si cette condition n’est pas respectée, pratiquer le wird spécifique à une voie soufie peut entrainer des conséquences dévastatrices dont la plus petite est la folie. Ensuite, il faut prendre l’engagement de respecter toutes les règles de conduites liées à ladite voie confrérique et qui sont généralement les mêmes que ce que demande la religion islamique : suivre Allah et les recommandations de Son prophète, accomplir les devoir islamiques (prières canoniques, zakât, jeûne du Ramadan, etc.), faire le bien et le conseiller, s’éloigner du mal.

Enfin, le fidèle doit faire le wird matin et soir et ne doit pas la retarder. Parmi les comportements exigés lors de la pratique du wird, il y a la position assise en faisant face à la qibla. Ainsi, le wird ne se fait ni allongé ni debout encore moins en marchant. Toutefois, cela ne l’invalide pas ; il ne fait que diminuer la part de lumière à tirer du wird.

Dans la voie Ahloulahi, le saint-maitre recommandait une pratique bien connue à savoir ce qui est appelé le « tassab ». Il se fait obligatoirement après chaque prière canonique. A ce propos, le Cheikh Abdoulaye Sylla rapportait dans son précieux « izalul jahl » que cette pratique du « tassab » n’est pas nouvelle dans la mesure où le prophète Mouhamad (asws) s’y adonnait déjà au cours de la période précédant la Bataille de Khaybar. Il ajoutait toujours dans ce célèbre ouvrage que de la même manière que le saint-maitre avait recommandé la pratique du « tassab », il avait aussi initié celle du wird. Et contrairement à la quasi-totalité des voies soufies connues dont les wird se font matin et soir, Seydina Limamou Lahi recommandait que celui des Ahloulahi se fasse après chaque prière obligatoire. Le Cheikh Abdoulaye Sylla le mentionnait ainsi dans ces vers :
Thumma kadhâ wirdu atâ fî kulli fardi Ahlilâhi

A l’époque, les fidèles n’avaient aucune contrainte de temps pour respecter la pratique du wird après chaque heure de prière dans la mesure où ils travaillaient pour leur propre compte [dans leurs champs ou à la pêche]. Toutefois, sous le califat de son fils ainé Seydina Issa Rohoulahi (as), la majorité des fidèles avaient commencé à travailler dans l’administration ou pour le compte d’autres personnes.

Aussi, conscient que les fidèles ne pourraient plus s’absenter au moins trente après chaque heure de prière pour accomplir le tassab et le wird, le premier Khalif des Ahloulahi changea la fréquence. Il recommanda que le wird se fasse matin et soir ; autrement dit avant et après les heures de travail pour éviter aux fidèles de faire du tort à leurs employeurs.
Seydina Issa Rohoulahi (as) insistait pour que les fidèles fassent d’abord leurs tassab et wird avant de quitter la natte de prière. S’il en est ainsi, c’est parce que les prières canoniques sont une audience, une occasion au cours de laquelle on est en communion directe avec le Créateur Tout-Miséricordieux. La preuve avant de prononcer le « takbîratul ihram » et tout juste après Liqâma, l’imam dans notre voie Ahloulahi prononce cette parole « Lâ ilâha illa Llâhu wahdahu lâ sharîka lahu, Lahul Mul wa lahul hamd, Yuhyî wa yumîtu wa huwa anlâ kulli shay in khadîr ».

Or, An Nasâ’î rapporte, dans Kitâb Ul Yawm wa Al Layla, le hadîth des deux Compagnons et dans lequel le Prophète dit :
« Il n’y a pas un serviteur qui dise « Lâ ilâha illa Llâhu, wahdahu lâ sharîkalahu, lahul Mulku wa lahul hamdu, wa Huwa ‘alâ kulli shay’in qadîr (« Il n’y a de divinité qu’Allâh, L’Unique et sans associé, c’est à Lui qu’appartient la royauté et c’est à Lui qu’appartient la louange, et Il est Omnipotent ») sincèrement, de toute son âme, son cœur authentifiant sa parole, sans qu’on ne fende mes portes du ciel afin qu’Allâh voit celui qui la prononce. Et il est du droit du serviteur qu’Allâh a vu, que sa demande soit exaucée. »

Il apparait clair donc que le fidèle de la communauté Ahloulahi n’a plus aucun voile qui le sépare de son Seigneur et ce, pendant toute la prière. C’est sans doute pour cela qu’après le salut final et les prières usuelles, le saint-maitre clôturait ses prières par la formule « Tabârakta wa ta ‘ânleyta yâ Dhal Jalâli wal Ikrâm…» (Béni et exalté es-Tu, ô Seigneur de Majesté et d’honneur). L’utilisation du terme « Tabârakta » ici suppose que Celui à qui on s’adresse est présent au même moment : Il est devant celui qui l’invoque. Alors y a-t-il un meilleur moment ou un meilleur lieu que celui-là pour invoquer Allah à travers la pratique du tassab ou du wird ? La réponse est : Non !

Déjà dans notre tribune du vendredi N°95 intitulée : « UN POINT DE VUE SUR LE TASAWWUF », nous écrivions : « Ces pratiques [y compris le wird] …permettent aussi au suffi d’atteindre progressivement les différentes stations ou maqâm de la sainteté et des états d’enivrement spirituel ou « ahwâl » (pluriel de « hâl ») à travers lesquels il entre en contact direct avec son Créateur ». Nous ajoutions toujours dans cette tribune : « C’est pourquoi à chacun de ces états, le soufi connait encore mieux Allah et donc pourra Le servir et L’adorer encore mieux que quiconque n’ayant pas encore gouté au nectar ou « ma’rifatu bil Lâh » (meilleure connaissance d’Allah) auquel il a été abreuvé au cours de son enivrement spirituel ». Or, cela demande beaucoup d’efforts et de concentration pour y arriver.

Autre chose encore, il ne faut jamais sous-estimer un wird de par sa quantité réduite dans la mesure où les fruits du dhikr n’ont forcément aucune corrélation avec sa longueur. Ils sont en fait proportionnels à l’état de concentration et de pureté du cœur au moment du wird. C’est pourquoi, prononcer une seule fois la formule du tawhiid (« Lâ ilâha illâ Allah ») avec concentration et respect vaut mieux que de la répéter mille fois avec insouciance. C’est pour cette raison que les soufis préfèrent s’isoler loin de tout ce qui pourrait perturber cette concentration et ralentir leur ascension vers les sphères célestes. La plupart du temps, ils s’aménagent une chambre spécialement réservée à leurs moments de dévotion (dhikr, « riyâda » et « khalwah ») appelée « neegu goor » en wolof où aucune femme et personne d’autre n’avait le droit d’y accéder.

S’ils font tous ces efforts, c’est parce qu’ils sont conscients que plus on est concentré, plus rapidement nous libérons notre âme de ce qui la retient dans son enveloppe charnelle à savoir les passions égotiques et plus rapidement on s’approche du Seigneur. La pratique du wird par le soufi est en quelque sorte une demande d’audience auprès d’Allah. S’Il lui accorde cet entretien, Il lui tient compagnie en présence de Son messager, Seydina Mouhamad, du fondateur de la voie à laquelle le fidèle appartient ainsi que des saints qui y sont affiliés. Et ce, pendant tout le temps que dure le wird. Alors comment à un tel moment où Allah, Son messager et le fondateur de la voie répondent à notre appel et sont en notre présence pouvons-nous nous adonner à une autre activité en parallèle en dehors du recueillant qui sied ?

Au cours d’un échange avec un de mes grands-pères, frère du Khalif, il y a quelques années, il me raconta qu’un dignitaire lui disait avoir vu le saint-maitre Seydina Limamou Lahi (asws) qui lui disait alors : « Trois choses me font de la peine venant des fidèles : le fait qu’ils se précipitent à quitter le tapis automatiquement après la prière sans prendre le temps d’accomplir le tassab, ensuite le fait qu’ils disent du mal de ma descendance, … ». Un autre oncle, aujourd’hui décédé qui avait l’habitude de faire le dhikr régulier de 129 mille « Ya Latif », et s’était fixé comme mission de rapprocher et réconcilier les personnes en conflit dans notre communauté est apparu en rêve à un de mes autorités de notre communauté qui était un grand ami à lui. Il le rassurait sur sa situation de l’autre côté et de toutes les faveurs dont le Seigneur l’avait couvert. Il ne manqua pas de lui dire la même chose que ce que mon grand-père (le frère du Khalif en question) m’avait rapportée.

Par ailleurs, il y a quelques jours, au détour d’une audience avec un de mes maitres, un érudit doté d’une grande sagesse, très versé dans la pensée de Al Ghazalî, de Ibn Arabi Al Andaloûsi, de Abû Yazîd Al Bistamî et un grand spécialistes des écrits de Abû Ma’shar Al Falakî, de Ahmad Al Bounnî, de Abdel Fattah Toûkhî, il sembla répondre à la question de Ladi Na sans même que je lui en eusse parlée. « La personne qui s’isole pour faire son dhikr en évitant tout ce qui pourrait le distraire (regarder la télé, écouter la radio, manipuler son téléphone, tourner à gauche et à droite) verra son dhikr multiplié par 7 millions ; ce qui lui permet d’accéder plus rapidement au « Kashf » (l’ouverture à la connaissance des secrets inaccessibles aux profanes) » m’a-t-il dit.

Au demeurant, la réponse à la question de notre sœur est non ! On ne peut pas faire le wird en nous adonnant en même temps à autre chose qui pourrait occuper notre esprit a fortiori le sport. La pratique du wird doit créer une connexion entre la langue, les deux lèvres, l’esprit et le cœur pour les faire converger exclusivement vers le Créateur Tout-Puissant. Une fois que cette connexion est établie, tous les membres du corps deviennent aussitôt inaptes à faire autre chose que servir l’Eternel à qui nous sommes liés par un pacte d’adoration depuis « Ânlamul Arwâh ».
Wassalâmun anlâ man-itabi’ul Hudâ!

Ja’alanal Lâhu minal ledhîna yastami’ûnal khawla fa yattabi’ûna akhsanahu.

Chérif Alassane Lahi Diop « Sibt Sâhibou Zamâne »,
Analyste politique et économique,
Expert en Commerce et Management des Affaires Internationales,
Secrétaire Général de Vision 129.

Écrit par: soodaan3

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