TRIBUNE DU VENDREDI N°108 : L’ENVIE, UN ENNEMI DE LA FOI

27 janvier 2023 52

L’envie, un ennemi de la foi

L’envie ou « Al hassad » (arabe), tout comme l’hypocrisie qui a fait l’objet de notre précédente tribune, est une des maladies du cœur et un péché grave. À ce titre, elle fait partie des maux contre lesquels le croyant doit lutter pour s’éloigner de la colère du Seigneur.

L’envie est souvent assimilée à la jalousie même s’il y a une légère nuance entre ces deux émotions. Le célèbre dictionnaire Larousse la définit comme étant une « Convoitise, mêlée ou non de dépit ou de haine, à la vue du bonheur ou des avantages de quelqu’un ; jalousie ». Le Robert à son tour trouve qu’il s’agit d’un « Sentiment de désir mêlé d’irritation, de haine qu’éprouve quelqu’un contre ceux qui possèdent ce qu’il n’a pas. Du côté des auteurs islamiques, Al-Râghib juge que « L’envie, c’est le fait de souhaiter la disparition d’une grâce chez celui qui la mérite, et cela peut être accompagné du fait d’œuvrer à l’éliminer ». Or, le messager d’Allah nous a enseigné que : « le vrai Croyant doit vouloir pour son frère Croyant, ce qu’il veut pour lui-même ». À partir de là on voit que l’envie est totalement contraire aux enseignements de l’Islam. En effet, l’envie peut pousser la personne qui la ressent à souhaiter que le malheur s’abatte sur son prochain. Pire encore, elle peut le conduire à remettre en question les décisions du Seigneur en jugeant, par exemple, qu’Il ne lui a pas donné ce qu’il méritait réellement, et ce, uniquement en se basant sur les faveurs qu’Il a accordés à autrui. À terme l’envie peut mener à la perte de foi et à se rebeller contre le Créateur. À ce propos, dans un hadith recueilli par Abu Dawud (rta), Abou Houreyra (rta) a rapporté que le prophète (asws) a dit : « Méfiez-vous de l’envie car elle consume les bonnes œuvres comme le feu consume le bois ».

Le premier péché commis sur Terre a été causé par l’envie. En effet, parmi les fils du prophète Seydina Adama (as) il y en avait deux dont l’un s’appelait Hâbîl (Abel) et l’autre Qâbîl (Caïn). Le second nommé a toujours pensé qu’Allah avait favorisé son frère et cela avait fait naitre en lui de la jalousie et de l’envie vis-à-vis de ce dernier. Alors pour les départager, Allah leur demanda à chacun de faire un sacrifice en Son Honneur. Il leur précisa qu’Il ne choisira que le sacrifice qui sera fait avec beaucoup de soumission et de bonne volonté. Qâbîl qui était cultivateur choisit, dans son arrogance, le pire produit de sa récolte de blé pour son sacrifice ; tandis que son frère Hâbîl préféra choisir le bélier le plus beau et le plus gras de son troupeau pour servir le Créateur. Pour montrer le sacrifice qu’il avait agréé, Allah envoya la foudre bruler le mouton offert par Hâbîl laissant intact le blé que Qâbîl lui avait offert. Cela augmenta la haine qu’il éprouvait pour son frère. Un jour, il finit par perdre son contrôle en s’attaquant à son frère qu’il tua. À ce propos, le Coran rapportait dans les versets 2 à 7 de la Sourate ‘Al-Mâ’ida’ « Raconte-leur l’histoire des deux fils d’Âdam telle qu’elle est arrivée. Chacun des deux frères avait fait une offrande, mais celle de l’un fut agréée, alors que celle de l’autre ne le fut point.ʺ Je te tuerai ! ʺ, dit ce dernier à l’autre. Allâh n’accepte, dit l’autre, que de la part des pieux ». C’est ainsi que le premier crime perpétré sur Terre fut causé par l’envie.

Il est à souligner que l’envie a aussi été à l’origine de la célèbre rébellion de Iblîs vis-à-vis de son Seigneur après qu’il a été jaloux de toutes les bénédictions dont Il avait fait bénéficiées le prophète Seydina Adama (as) : Allah l’avait créé de Ses Propres Mains ; il lui avait appris les noms de toutes choses ; et avait intimé l’ordre à Ses Anges de se prosterner devant lui.

Toutes ces faveurs avaient rendu Iblîs jaloux de Adama et le poussa à refuser d’exécuter cet ordre du Seigneur. Le Coran rapporte à ce propos : « Et lorsque Nous demandâmes aux Anges de se prosterner devant Adama, ils se prosternèrent à l’exception d’Iblîs qui refusa, s’enfla d’orgueil et fut parmi les infidèles » (Al Baqara, 34) Allah, dans Son éternelle Miséricorde lui donna la possibilité de s’expliquer en ces termes : « Ô Iblîs, qui t’a empêché de te prosterner devant ce que J’ai créé de Mes mains ? T’enfles-tu d’orgueil ou te considères-tu parmi les hauts placés ? » (Coran 38/75) Mais toujours gagné par la jalousie, Iblîs lui répondit : « Il dit : « Je ne puis me prosterner devant un homme que Tu as créé d’argile crissante, extraite d’une boue malléable ». » (Sourate Al Hijr, 33). Et quand Allah lui en demanda la raison, il lui répondit : « Je suis meilleur que lui ; Tu m’as créé à partir de feu, et Tu l’as créé à partir de boue : ». (Sourate Sâd,76). Ce dialogue montre combien Iblîs éprouva de l’envie qui a fini par faire naitre de la haine vis-à-vis de Seydina Adama. C’est comme si, il avait voulu remettre en question la décision du Seigneur de doter Seydina Adama (as) de tous ces privilèges cités plus haut « en Lui rappelant » qu’il était plus méritant que lui, le père de l’Humanité. Cela entraina la colère du Seigneur qui le priva de son grade, le renvoya de Son service et le chassa à jamais de Son Paradis : « Sors de là, car te voilà banni ». On voit clairement que l’envie finit toujours par pousser son adepte à se rebeller contre le Créateur, à encourir Sa Colère, à tout perdre et à coup sûr décrocher un séjour dans les flammes crépitantes de la Géhenne. Comment peut-on prétendre croire et placer sa confiance en Allah, et être en même temps envieux de quelque bienfait dont Il l’a gratifié son prochain ? C’est sans doute pour cette raison que le prophète (asws) a dit : « Deux choses ne seront jamais réunies dans le cœur d’un serviteur d’Allah : la foi et l’envie ». (Rapporté par Al-Nassâ’î dans ses « Sunane »)

Or, dans notre société actuelle, les malades envient tellement ceux qui sont en bonne santé qu’ils en oublient qu’il y a d’autres malades dans un état encore plus critique. Les pauvres envient tellement les riches qu’ils en oublient qu’il y a des personnes qui donneraient tout pour avoir une bonne santé, ainsi de suite. Il semble que l’envie et la jalousie aient poussé l’homme à oublier que tout pouvoir, toute richesse, tout avantage, tout privilège, tout bienfait qu’obtiennent les autres relèvent de la volonté divine. Pourtant, Allah qui, dans Sa Sagesse, a donné ces privilèges aux uns et en a dépourvu les autres, sait mieux que quiconque ce qui est bénéfique ou non à chacun d’entre nous. D’ailleurs, Il nous enseignait dans le Coran : « Or, il se peut que vous ayez de l’aversion pour une chose alors qu’elle vous est un bien. Et il se peut que vous aimiez une chose alors qu’elle vous est mauvaise. » (Al Baqara, 216) Et Il avait conclu cet enseignement par une vérité à savoir : « Allah sait, tandis que vous, vous ne savez pas » (suite verset 216). Cela nous pousse à émettre cette réflexion : toute richesse, tout pouvoir que possède une personne est une épreuve pour elle. Car elle devra rendre des comptes à Allah sur comment il a utilisé ce privilège ! Par contre, toute épreuve à laquelle Allah nous soumet (maladie, pauvreté, perte diverse, etc.) est une miséricorde pour nous.

Par ailleurs, il convient de souligner que l’envie est louable sous certains cas comme mentionné dans ce hadith authentique rapporté par Al-Bukhârî et Muslim suivant deux versions :

– « La jalousie est interdite sauf dans deux cas : un homme à qui Allah a accordé des biens ainsi que l’aptitude à les dépenser correctement et un homme à qui Allah a accordé une sagesse par laquelle il juge, et qui l’enseigne. » (Relaté par Ibn Mas’ûd)

– « La jalousie est interdite sauf dans deux cas : un homme auquel Allah a accordé le Coran et qui s’y consacre nuit et jour ainsi qu’un homme à qui Allah a accordé des biens et qui les dépense nuit et jour. » (Rapporté Par Ibn ‘Umar)

Pour conclure cette tribune, nous rappelons ce conseil du messager d’Allah : « Ne regarde pas celui qui a plus que toi. Regarde celui qui a moins que toi, car il te rappelle mieux quelles faveurs Dieu t’a accordé. »

جعلنا الله واياكم ممن يستمعون القول فيتبعون أحسنه