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TRIBUNE DU VENDREDI N°143 : La place du dhikrullah dans la doctrine Ahloulahi : Retour à l’orthodoxie

today7 juin 2024 94

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RETOUR A L’OTHODOXIE

Le terme « dhikr » peut être traduit par chacun de ces mots français : rappel ou mention ou invocation. Ainsi le terme « dhikrullah » renvoie au souvenir, à l’évocation et à l’invocation d’Allah. Il traduit la gratitude du serviteur envers le Seigneur de la Création. Il comprend la lecture du Coran, le tasbîh (l’invocation par les différentes formules connues) ainsi que la méditation sur l’œuvre grandiose et les attributs du Seigneur.

Il existe plusieurs sortes de « zikr » auxquels peuvent s’adonner les croyants :
-Celui accomplit par la langue (zikr liçânî) ;
-Celui par le cœur (zikr qalbî) ;
-Et enfin celui où la langue et le cœur s’associent.

Le croyant peut évoquer son Seigneur sans pour autant être attentif à ses paroles, c’est ce que l’on appelle le zikr de la langue. Ceci étant dit, même sans concentration nous sommes récompensés : « Que ta langue ne cesse d’être imbibée par l’évocation d’Allah ». (Tirmidhi). Quant à la deuxième forme, il consiste à occuper son esprit et son cœur par la méditation et ce, même si, la langue n’y contribue pas. Cependant, la meilleure manière d’évoquer le Seigneur reste celle qui conjugue la langue le cœur et l’esprit.

Pour mieux comprendre l’importance du dhikr dans l’Islam, il faut savoir qu’il a été cité au moins quatre-vingt-trois fois dans le Coran. À titre d’exemple Allah recommande dans la sourate Baqara :

{ فَٱذۡكُرُونِیۤ أَذۡكُرۡكُمۡ وَٱشۡكُرُوا۟ لِی وَلَا تَكۡفُرُونِ }
« Souvenez-vous de Moi (faites Mon zikr) et Je me souviendrai de vous. Soyez reconnaissants envers Moi et ne soyez pas ingrats » [Sourate AL-BAQARAH: 152].

Dans un autre verset, Allah donne un des rôles fondamentaux du dhikr à savoir apaiser le cœur de celui qui s’y adonne 28 de la sourate Raad :

{ ٱلَّذِینَ ءَامَنُوا۟ وَتَطۡمَىِٕنُّ قُلُوبُهُم بِذِكۡرِ ٱللَّهِۗ أَلَا بِذِكۡرِ ٱللَّهِ تَطۡمَىِٕنُّ ٱلۡقُلُوبُ }

« ceux qui croient et dont les cœurs trouvent la quiétude dans le Zikr d’Allah. Comprenez bien que) c’est dans le Zikr d’Allah que les cœurs trouvent leur quiétude». [Sourate AR-RA`D: 28]

Dans un autre verset encore Allah nous indique le rang du dhikr au sein des autres actes d’adoration :

{ إِنَّ ٱلصَّلَوٰةَ تَنۡهَىٰ عَنِ ٱلۡفَحۡشَاۤءِ وَٱلۡمُنكَرِۗ وَلَذِكۡرُ ٱلله أَكۡبَرُۗ وَٱللَّهُ یَعۡلَمُ مَا تَصۡنَعُونَ }
« La prière éloigne l’homme de la turpitude et des actions blâmables, mais l’invocation du nom de Dieu est ce qu’il y a de plus grand » [Sourate AL-`ANKABOUT: 45]

C’est sur la base de ce précédent verset que l’éminent poète parmi les Ahloulahi, l’Imam Mouhamadou Sakhir soutenait dans son poème « Aaxiru Zamaan » :

Baril tudd Yàllaa gën ci mbooleem lu nuy taqoo
« wala Zikru Laahi » aaya joo jaadi tektal baa

Dans la sunna, nombreux sont les hadiths qui font mention des mérites liés au dhikr. A ce propos, Aboû Dardaa (rta) rapporte qu’une fois le Messager (psl) demanda au Sahaabas : « Ne devrais-je pas vous informer d’une chose qui est meilleur de tous les actes, qui est plus pure auprès de votre Maître, qui élève considérablement votre rang, qui est plus vertueuse que de dépenser de l’or et de l’argent (dans le chemin d’Allah) et meilleur que de tuer vos ennemis ou d’être tués dans le Jihaad ? Ils répondirent : Certainement ! Il dit alors : « dhikroullah ».

Dans un autre hadith, le messager a encore dit : « Pour toute chose il y a un purificateur qui nettoie et enlève l’impureté (par exemple pour les vêtements et le corps il y a le savon et pour le fer il y a le feu, etc.). Et la chose qui purifie le cœur c’est le dhikrullah et il n’y a rien de plus efficace (que le dhikrullah) pour se protéger des châtiments d’Allah ». Le fait qu’il soit supérieur aux autres ibâdât est qu’une fois qu’on atteint ce stade, aucun autre ibâdât n’est négligé car toutes les parties du corps externes (zâhir) ou internes (bâtin) sont soumises au cœur et aiment ce à quoi il est attaché.

Dans son Musnad, l’Imam Ahmad rapporte de Sahal (rta) que le messager a dit : « Le Dhikroullah est 700 000 fois meilleur que de dépenser dans le chemin d’Allah ».
Ibn Abbâs ajouta : « Le Paradis a huit portes dont l’une est exclusivement réservée aux dhâkirîn ceux qui font le dhikr».

Par contre, celui qui néglige le dhikr s’expose à des conséquences désastreuses. D’ailleurs, le messager ne disait-il pas : « Celui qui évoque son Seigneur et celui qui ne l’évoque pas sont comparable respectivement au vivant et au mort. » (Tirmidhi)

C’est cela que l’Imam Mouhamadou Sakhir traduisait dans ces vers en langue wolof :

Yonnen nee waajiy tudd Yàll ak ku dul sikar
Misaal maadi ku dundaak ku dee seey ca bàmmeel baa

Ci sikar la xol yiy dundé moo tax ku dul sikar
Bu yaggee xolam wow melni aw doc ca daaraay baa

La raison étant que celui qui ne fait pas le dhikr, même s’il est vivant (physiquement) aussi, il est comme mort spirituellement et sa vie ne vaut rien.

A ce niveau, il est pertinent de se demander quelle est la meilleure formule pour le dhikrullah.

La réponse est donnée dans ce hadith de Djâbir (rta) qui rapporte que le messager (asws) a dit : « Le meilleur des dhikrs est (la récitation de) « Lâ ilâha illâ Allah ».

Aboû Sa’îd Khoudrî (rta) rapporte que le messager a dit : « (Une fois) Moussa (as) demanda à Allah Ta’alâ : ô Seigneur ! Enseigne-moi une chose par laquelle je pourrai faire Ton dhikr (penser à Toi) et T’invoquer. Allah Ta’âla répondit : Récite lâ ilâha illâ Allah. Moussa (as) dit alors : ô Seigneur ! Tous Tes Serviteurs récitent cela. Allah lui répondit une fois encore : Dis Lâ ilâha illâ Allah ! Moussa reprit : « Je voudrais quelque chose exclusivement pour moi ». Allah lui dit : ô Moussa, si les sept cieux et les sept terres sont placés dans un plateau de la balance et Lâ illâha illâ Allah dans l’autre, le plateau contenant Lâ illâha illâ Allah pèserait plus lourd. »

S’il en est ainsi, c’est parce que la formule Lâ illâha illâ Allah est la base même et la signification de l’Islam dont il est le premier pilier. Elle est appelée « kalimatu shahâda », « kalimatou-l-ikhlass » la parole de la sincérité, ou la parole du culte sincère) ou encore « kalimatou-t-taqwa » parole de la piété). Même si elle légère sur la langue, il faut savoir qu’elle est lourde sur la balance. Dans le Coran, Allah dit à Son Messager :

{ وَمَاۤ أَرۡسَلۡنَا مِن قَبۡلِكَ مِن رَّسُولٍ إِلَّا نُوحِیۤ إِلَیۡهِ أَنَّهُۥ لَاۤ إِلَـٰهَ إِلَّاۤ أَنَا۠ فَٱعۡبُدُونِ }
« Et Nous n’avons envoyé avant toi aucun Messager à qui Nous n’ayons révélé : « Point de dieu [digne d’être adoré] en dehors de Moi. Adorez-Moi donc ». [Sourate AL-ANBIYÃ’: 25]

L’Imam Mouhamadou Sakhir citant un autre hadith sur les bienfaits du dhikrullah avec la formule Lâ ilâha illâ Allah disait encore dans son poème « Aaxiru Zamaan » :

Te wax laa ilaaha illa Laahu di nay raxas
Ñeneenti junniy ñaawtééf ci màgguk Boroom baat baa

Pour rappel, la communauté Ahloulahi (les Partisans d’Allah) a été fondée à partir du dimanche 1er sha’bân de l’an 1301 (coïncidant au 24 mai 1884), quand un homme illettré d’une quarantaine d’année Seydina Limamou Lahi (asws) a lancé un appel aux hommes et aux djinns les invitant à le rejoindre pour ériger un culte pur et sincère exclusivement voué à l’Eternel. Il déclara être « l’Imam Al Mahdi Al Mountazar », ce guide promis aux gens de la Fin des Temps par le prophète Mouhamad (asws) pour les ramener sur la voie du Salut en plus de remplir la terre de Justice et d’Equité. Seydina Limamou Lahi (asws) est apparu à une époque où les gens semblaient avoir oublié leur Seigneur, s’être détourné de Lui et transgressaient à souhait Ses règles à bien des égards.

Malgré que la religion islamique eût déjà enveloppé de son manteau salvateur tous les coins et recoins du pays, le syncrétisme religieux, un des pires fléaux de la Fin des Temps encore même pire que le péché d’association) était fortement ancré dans le quotidien des peuples de la Sénégambie. Au sein du peuple lébou de la Presqu’Ile du Cap-Vert ou il est apparu, dans chaque concession il y avait un autel appelé xàmb érigé en l’honneur du génie « protecteur » de la famille. Ce fut une époque ou dès que les gens avaient des soucis de santé ou de quelque ordre que ce soit, ils se dirigeaient automatiques vers ces autels qu’ils ont pourtant créés de leurs propres mains pour y effectuer des sacrifices afin d’entrer dans les bonnes grâces de ces génies hypothétiquement capables de résoudre des problèmes. C’est cela que l’Imam Mouhamadou Sakhir résumait en ces termes :

Lu jiitu bi ngay feeñ ci sowu bi diine jooy-
-na ngir mer ba melni doom ju réér ndey ja ak baay baa

Da ño rééré woon Yàlla booba gëm samp ya ak tuur yaa
Ku jaaxle du ñaan Buur Yàlla mi moom tey ak démbaa

Lu dul fab mbindééfam Yàll di rey ca kuur yaak
Di ndëpp ak di samp ndaa ya ñuy wooye ay xàmbaa

Toujours à l’époque, les pratiques culturelles occupaient plus d’importance dans le quotidien des populations autochtones que celle religieuses imposées par l’Islam. Ainsi, entre « gumbé » (danses traditionnelles), « sabar » (séances de chants et de danses autour du tam-tam), « xaxar » (chants nuptiaux accompagnés de propos salaces à l’occasion des cérémonies de mariage, « kasac » (séance d’initiation accompagnée de chants pour les circoncis), « làmb » (séances de luttes organisées à la fin des récoltes), « ndëpp » (séances d’exorcisme liées au culte des xàamb), etc., la prière, le jeûne du ramadan et les autres obligations d’ordre divin étaient complètement négligés.

C’est pourquoi, sa mission principale fut d’abord de restaurer la croyance en l’unicité d’Allah dans ces contrées ou l’islam et la culture ceddo cohabitaient comme des frères jumeaux. Ensuite, après avoir laver les cœurs et les esprits des gens de son époque de la souillure du syncrétisme religieux et des futilités d’ordre culturelles, d’en faire des croyants pieux et entièrement soumis à leur Créateur. Pour réussir cette mission ô combien périlleuse, le saint-maitre Seydina Limamou Lahi (asws) s’appuya sur la formule du tawhiid à propos duquel le prophète disait :

خير ما قلت أنا والنبيون من قلبي : لا إله إلا الله
« La meilleure parole que nous ayons prononcée les prophètes qui m’ont précédé et moi est : « Lâ ilâha illâ Allah » ».

C’est grâce à la formule « Lâ ilâha illâ Allah » que Seydina Limamou Lahi allait détruire ce culte et faire table rase de ces pratiques issues du paganisme. Il recommanda à ses adeptes la pratique constante du dhikrullah partout où ils pourraient se trouver qu’ils soient seuls ou plusieurs :

فاذكر الله في كل مكان

Ainsi, lui et ses fidèles disciples, se rassemblaient par groupes composés d’hommes, femmes et enfants pour passer plusieurs moments à chanter en chœur cet hymne du tawhiid qui est aussi appelée « kalimatu taqwâh » ou « formule de la piété ». D’ailleurs, les rapports faits par les colons sur Seydina Limamou Lahi font mention de ses rassemblements organisés par les disciples du saint-maitre. C’est à partir de là que les profanes commencèrent à appeler sa nouvelle communauté « Laayen yi » ou les « Layènes » en français eu égard au fait que les fidèles chantaient à longueur de journée la gloire du Seigneur que ce soit en période de bonheur ou de peine. Ils ne pouvaient faire la distinction entre leurs moments de bonheur et ceux de malheur. Dans les champs, à la mer, pendant les travaux ménagers, hommes, femmes et enfants de la communauté Ahloulahi cantonnait la formule de l’unicité à telle enseigne que la prononcer avait fini par devenir un réflexe.

Et le saint-maitre qui était à l’origine de cette pratique, ils le nommèrent à raison d’ailleurs : « Baay Lahi » ou le « Père qui s’adonne constamment] au « Lâ ilâha illâ Allah ». Seydina Limamou Lahi se chargea lui-même de composer les chants basés sur la formule du tawhiid. Il se chargea aussi d’en composer aussi la mélodie. Il s’assura qu’en la chantant avec l’air qu’il avait lui-même composé le fidèle puisse aussi associer son cœur à sa langue mêlant ainsi zikr liçânî et zikr qalbî. Ainsi, quand ses fidèles accueillent un nouveau-né, le jour de son baptême, ils l’accompagnent par du dhikrullah en groupe pour manifester leur reconnaissance au Seigneur. De la même manière, au lieu de pleurer au moment de conduire leurs défunts, ils lui tiennent compagnie en chantant en chœur la formule du Lâ ilâha illâ Allah suivant une mélodie spécifique.

Au moment de l’accompagner à leurs dernières demeures, ils chantent encore ensemble la formule du tawhiid suivant une mélodie spéciale encore jamais entendue sur terre auparavant ; une façon pour montrer au Seigneur qu’ils acceptent en toute gratitude Sa volonté de reprendre celui ou celle qu’Il nous avait confié le défunt). Avant chacune des prières quotidiennes, ils se rassemblent à la mosquée pour chanter en chœur le Lâ ilâha illâ Allah quelques bonnes minutes jusqu’à ce que leurs esprits et leurs cœurs fassent le vide pour ne converger que vers Allah le Tout-Puissant avant d’accomplir la prière du moment. Dans la mesure où ils connectaient leurs langues à leurs cœurs et à leurs esprits respectifs, il arrivait que des fidèles atteignent facilement la « fanâ’ ou l’extinction totale des sens dans la présence divine.

C’est d’ailleurs, une des raisons qui ont fait qu’en son temps, le premier Khalif Seydina Issa Rohou Lahi (as) a changé la mélodie du dhikrullah d’avant-prière composée à l’origine par son illustre père afin de l’alléger et pour permettre aux fidèles de mieux se contrôler face à l’effusion automatique de la lumière divine pendant ces séances. Lui-même, Seydina Issa Rohou Lahi passait beaucoup de temps à psalmodier la formule de l’unicité au point qu’il lui arrivait de cracher du sang.

Pendant les évènements religieux de la Communauté Ahloulahi, les fidèles passent des heures à chanter en chœur le Lâ illâha illâ Allah avant d’enfin chanter les mérites du saint-maitre et des Khalifs qui lui ont succédé. Et Seydina Limamou Lahi asws), ses fils Seydina Issa Rohou Lahi, Seydina Mandione, Seydina Ababacar et les Khalifs qui leur ont succédé veillaient toujours à ce que cette formule prime sur toute autre chanson composée en leur honneur. C’est pourquoi, les chants qu’ils ont composés eux-mêmes étaient tous basés sur la formule de l’unicité à laquelle ils ajoutaient les autres « asma et çifâtul-Lâh ». À titre d’exemple, le saint-maitre avait composé :

Laa ilaaha illaa Allah
Laa ilaaha illaa Allah
Laa ilaaha illaa Allah
Laa ilaaha illaa Allah

Tagga leen Jalîlu
Bakka leen Jalîlu
Rabbul Jalîlu
Laa ilaaha illaa Allah

Zil Mulki Buur la
Jabbaaru Ta’Anlaa
Mooy Buuru jaam ñi
Dans un autre chant il invoquait Allah dans Ses Nobles Noms :
Yaa Rabbanaa, Yaa Hanaanu, Yaa manaanu, Yaa Dayyaanu, Yawma diinee
Dans un autre chant encore :
Mulku Laahi Jaliiloo, Laa ilaaha illaa Allah

Rabbanaa Jaliiloo, Laa ilaaha illaa Allah
Ken du buur Yàllaay Buur, Laa ilaaha illaa Allah

Aujourd’hui, nous avons le devoir de retourner à l’orthodoxie car nous avons comme maitre le Meilleur pédagogue qui soit et il nous a donné la meilleure formule pour adorer le Seigneur.

Chérif Alassane Lahi Diop « Sibt Sâhibou Zamâne »,
Analyste politique et économique,
Expert en Commerce et Management des Affaires Internationales,
Secrétaire Général de Vision 129.

Écrit par: soodaan3

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