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TRIBUNE DU VENDREDI N°146 : Baye Seydi Thiaw Lahi, Seydina Mame Alassane Lahi & Serigne Ablaye ou le TRIO en OR

today9 août 2024 70

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Baye Seydi Thiaw Lahi, Seydina Mame Alassane Lahi & Serigne Ablaye ou le TRIO en OR au sommet de la Communauté Ahloulahi

A la suite du rappel à Dieu du deuxième Khalif Seydina Mandione Lahi, dernier fils vivant du saint-maitre Seydina Limamou Lahi (asws), en 1971, le califat est passé entre les mains d’une nouvelle génération : celle des petits-fils. A ce niveau, trois d’entre eux sortirent du lot car étant largement les plus âgés : il s’agit de son fils Baye Seydi Thiaw qui lui succéda en devenant alors le troisième Khalif et ses jeunes frères Seydina Mame Alassane fils de Seydina Mandione et Serigne Ablaye fils de Seydina Issa Rohoulahi.

A l’époque, nombreux étaient ceux qui pensaient que la communauté Ahloulahi allait connaitre des heures sombres avec l’avènement des petits-fils à la suite de la disparition de Seydina Mandione. C’est cela que le brillant Imam Mouhamadou Sakhir résumait dans ce vers :

Ñëléé di wax naa Laayeen kay tasna ngir ga dunduk
Seydinaa Manjoon rek teewoon ku ne topp njiwam

Ñëlee nga boolo di ñaan ndax xol yi ànda ci yiiw
Ñëléé nga wéét di xelaat ngir jaaxle naa fu nu jëm

Ña not ca mboolo ma seen xol tiit na ngir ga ragal
Juuyoo gu am waaye soobul Yàlla loolu mu am

En effet, à l’époque Baye Seydi Thiaw Lahi qui devait accéder au califat, était quasiment inconnu de la plupart des fidèles à cause de son mode de vie effacé et ses longs périples en mer en tant que navigateur. Il était très tôt conscient de cette situation dans la mesure où il répétait souvent : « si c’était aux gens de voter pour m’élire Khalif de mon grand-père je ne serais pas assis sur ce fauteuil. Mais c’est la décision d’Allah… ». Par contre ses jeunes frères Seydina Mame Alassane Lahi et surtout Serigne Ablaye étaient bien connus de tous parce qu’on les voyait souvent ensemble à l’occasion des événements de la communauté. D’ailleurs, Serigne Ablaye, il faut le souligner était le mieux connu de tous car c’est à lui que Seydina Mandione avait confié l’organisation des activités religieuses et la coordination des instances telles que le Groupement Central et la Fédération des Dahiras Layènes. Aussi, certains oiseaux de mauvais augures craignaient-ils de voir apparaitre des tendances pouvant encourager l’un ou l’autre des frères à réclamer le califat à la place de Baye Seydi Thiaw ; ce qui pourrait mener la communauté à une crise profonde. Mais ceux-là ignoraient la véritable nature de chacun de ces frères, l’amour qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre et tout ce que l’un était prêt à sacrifier pour l’honneur et le bien-être de l’autre.

En cela ils ont tout simplement suivi cet enseignement du prophète en ce sens :
«Le véritable croyant est celui qui souhaite à son frère croyant ce qu’il veut pour lui-même».
Toutefois, comme l’a si bien renseigné l’Imam Mouhamadou Sakhir :

Al haaji Ablaa ya leeral xol yi ker bamu nee
Wii yoon ku fiy mak la nuy wormaal mu jiitu nu dem

Seydina Mandione, en tant que dernier fils vivant du fondateur de la communauté Ahloulahi, avait, dans sa grande sagesse, réglé toute velléité de revendication du califat parmi ses fils. A chacun d’eux, il avait confié un rôle bien déterminé que ce soit officiel ou officieux et chacun acceptait cela et respectait en même temps la hiérarchie du « rakka topp mak, doom topp baay » ainsi que la philosophie du « ku mak jiitu mooy waaja » telle que l’avait décidée Seydina Limamou Lahi (asws). Il avait nommé Serigne Ablaye, porte-parole de la communauté Ahloulahi tout en le chargeant d’animer les causeries religieuses ; ce que d’ailleurs, le fils de Seydina Issa faisait mieux que quiconque. En 1970, quelques mois avant son rappel à Dieu, Seydina Mandione, comme pour préparer les fidèles à la future accession de Baye Seydi Thiaw au califat, l’avait envoyé présider la prière de Korité à sa place. Il l’avait encore envoyé diriger celle de Tabaski quelques semaines avant son décès survenu dans la nuit du 26 au 27 de dhul Hijja (tabaski) de l’an 1971.

Seydina Mandione avait donc progressivement installé dans les esprits de tous que Baye Seydi Thiaw serait son successeur et chacun de ses frères l’aiderait dans sa mission. Il s’y ajoute aussi, que Baye Seydi Thiaw en tant que troisième Khalif, de par son courage, sa détermination, son leadership et sa sagesse, avait montré à tous ceux qui le connaissaient réellement qu’il était bel et bien la personne qu’il fallait pour être le premier des petits-fils à ouvrir la voie, à présider aux destinées de la communauté Ahloulahi.

Quand Serigne Mamour Diakhaté est venu lui présenter ses condoléances à la suite du rappel à Dieu de son père Seydina Mandione Lahi, il l’avait informé : « Le saint-maitre Seydina Limamou Lahi (asws) m’avait confié ses fils en me recommandant de veiller sur eux après sa disparition] ce que j’ai fait depuis l’accession de Seydina Issa au califat. Aujourd’hui, avec le rappel à Dieu de Seydina Mandione Lahi qui était son dernier fils vivant, j’ai entièrement rempli ma mission. Et comme il ne m’avait pas confié ses petits-fils, ma mission vient de s’achever à ce jour ». Il pria donc pour son « fils » afin qu’Allah lui apportât Son soutien et la réussite. C’était une façon de dire au tout nouveau Khalif qu’il ne l’accompagnerai pas dans sa nouvelle mission à la tête de la communauté Ahloulahi car quelques mois plus tard, le sage de Ngakham fut rappelé à Dieu à son tour à l’âge de plus de 100 ans.

Ainsi, à partir de ce moment, Baye Seydi Thiaw et ses frères que sont Seydina Mame Alassane, Serigne Ablaye et Mame Ibou Seny allaient prendre toutes leurs responsabilités pour déjouer tous les pronostics défavorables à leur unité et à la réussite de leur mission. Ils renforcèrent leur alliance, s’unirent davantage et restèrent solidaires pour mieux veiller, ensemble, sur l’héritage du saint-maitre (asws). Ils en firent un grand défi : ils ne voulaient tout simplement pas briser la chaine ou échouer là ou tous leurs prédécesseurs avaient brillamment réussi à consolider la cohésion et à pérenniser la mission ainsi que le message du saint-maitre. S’ils ont réussi cette prouesse à un moment où il était plus facile de les voir séparés que réunis, c’est parce qu’ils respectaient bien tous les sacrifices que leurs prédécesseurs ont consentis pour maintenir l’intégrité et la cohésion avant de leur céder la mission et les laisser gérer à leur tour.

Le secret de leur réussite réside aussi dans le fait qu’ils se voyaient tout le temps et se consultaient régulièrement dans la gestion des affaires. Ils ne permettaient à personne de colporter les propos de l’un à l’autre ou essayer de les mettre en mal. À ce propos, feu Baye Issa Ndiaye a rappelé publiquement que Seydina Mame Alassane Lahi, en tant que quatrième Khalif, lui a fait savoir que s’il lui arrivait d’aller voir Serigne Ablaye pour lui dire du mal de lui, il en serait informé. De même si, lui Baye Issa venait auprès de lui pour parler de Serigne Ablaye, ce dernier en serait informé. Concernant leur frère Baye Seydi Thiaw, les gens de son époque savaient que dès qu’on prononçait son prénom là où il n’était pas, Dieu lui faisait entendre tout ce qu’on pouvait dire de lui. C’est pourquoi, pour parler dans son dos et ne pas se faire entendre, ils lui avaient trouvé un surnom : « Haoussa bi ».

Nul parmi ses frères, encore moins parmi les disciples n’osait remettre en question les décisions du Khalif a fortiori s’opposer à sa volonté. Qu’ils soient d’accord avec lui ou pas, ils ne montraient jamais aucun signe de frustration encore moins de rébellion. Ils soutenaient toujours les décisions du Khalif et participaient tous ensemble à matérialiser sa volonté par des actes concrets. Il était le meilleur des grands frères, mais avait aussi la chance d’avoir les meilleurs petits frères. S’il en était ainsi, c’est parce que le Khalif avait l’habitude de les consulter en privé sur quasiment toutes les questions. Il leur disait alors : « si quelqu’un n’est pas d’accord ou a une idée meilleure que la mienne qu’il le dise maintenant. Car dès qu’on sortira de ce salon, on appliquera ma décision et plus personne n’aura plus son mot à dire ».

Il lui arrivait aussi en pleine assemblée devant les fidèles d’inviter Seydina Mame Alassane et Serigne Ablaye à le rejoindre dans ses appartements privés. Quand ils se retrouvaient tous seuls avec lui, il leur faisait savoir que ce n’était rien de spécial et leur offrait du lait à boire. Il voulait juste montrer aux fidèles qu’ils étaient unis et qu’ils se voyaient en privé loin des regards sans que personne ne sût de quoi ils s’entretenaient. Une façon pour décourager ou mettre en garde toute personne qui serait tentée de créer la discorde entre eux.

Un jour, un vieux proche de Baye Seydi Thiaw est allé rapporter des propos à Seydina Mame Alassane Lahi pour le mettre en mal avec son grand frère. Après l’avoir écouté parler, Seydina Mame Alassane l’a immédiatement conduit auprès de son frère de Khalif et lui a raconté tout ce que la personne lui avait dit. Baye Seydi Thiaw s’est alors levé, a sorti sa cravache et a commencé à donner des coups au fidèle indélicat. Ce dernier après avoir reçu quelques coups a fui pour se réfugier derrière Seydina Mame Alassane qui, a son tour, a supplié son frère de l’épargner. C’est en ce jour que le Khalif a célébré cette célèbre phrase : « Yalna nu Yàlla musël ci mak mu am daraja tay fen ». Autrement dit : « Qu’Allah nous préserve du mal du vieillard à l’allure respectable et qui ment ». Baye Seydi Thiaw aussi, quand quelqu’un osait venir lui rapporter des choses sur une autre personne, il faisait appeler cette dernière et demander à la première de répéter ce qu’il disait devant le principal concerné. Si la personne n’osait pas répéter les mêmes paroles, il se chargeait lui-même de la corriger. C’est ainsi, que ces trois ont réglé le problème des colporteurs dans la communauté. Ils comprenaient et respectaient mieux que quiconque que cette mise en garde formulée par leur grand-père dans son sermon : « Méfiez-vous des ouï-dire et des « on a dit que… », car bien souvent ce qu’on raconte et ce qu’on entend ne correspond pas à la réalité. » Leur proximité et l’amour qui les liait faisaient qu’aucun de ses jeunes frères ne restait jamais 24h sans aller lui rendre visite, passer la journée avec lui et lui tenir compagnie.

Un jour, El Hadji Abdou Aziz Sy (Khalif Général des Tidjanes) de passage à Yoff chez Baye Seydi Thiaw avait fait cette remarque : « Je suis très heureux de ce que je vois à chaque fois que je viens te rendre visite. Je ne te préviens jamais de mes visites auprès de toi. Mais toujours est-il qu’à chaque fois, je te vois entouré de tes frères Rane (Seydina Mame Alassane) et Ablaye (Serigne Ablaye). Si je t’avais informé à l’avance de ma visite, j’aurais pu croire que tu les en avais informée pour qu’ils prennent part à la rencontre. Or, ce n’est pas le cas. Donc cela montre juste que vous êtes unis et formez un seul bloc… ». Serigne Ablaye venait toujours de très bonnes heures.

Ma grand-mère feue Adja Soda Lo épouse de Baye Seydi Thiaw) m’a raconté que la plupart du temps quand Serigne Ablaye venait rendre visite à Baye Seydi Thiaw, ce dernier n’avait même pas encore ouvert la porte de son appartement. Et quand l’une d’elles parmi les épouses du Khalif voulait aller l’informer que son frère était déjà là, Serigne Ablaye le demandait de ne pas le déranger, préférant l’attendre tout bonnement. Quand Baye Seydi Thiaw sortait et le trouvait tout seul assis par terre dans la cour, il lui demandait alors pourquoi il ne l’avait pas informé de son arrivée. Et Serigne Ablaye de lui répondre : « Kilifa kenn du ko déranger ». Ce à quoi son frère répondre « Ablaay daal yaa… ». Et s’il nous était permis de dire ce que Baye Seydi Thiaw répondait réellement, sans heurter la sensibilité de tous, vous verriez combien ils étaient humains, taquins entre eux et très complices. Seydina Mame Alassane Lahi aussi, la première chose qu’il faisait le matin était de venir saluer son grand frère de Khalif pour s’enquérir de son état de santé. Ils l’aimaient tous d’un amour incommensurable. Et lui aussi le leur rendait bien.

A chaque prise de parole Seydina Mame Alassane tout comme Serigne Ablaye rappelait toujours aux fidèles le respect et la considération que tout fidèle devait au Khalif qui, à leurs yeux, était le représentant sur terre du meilleur de la création à leur époque. Et à ce titre tout le monde se devait de le voir et le considérer comme tel. Ils ne rataient jamais une occasion pour montrer aux autres que le Khalif, en dépit du fait qu’il fût leur frère, n’était pas leur égal mais était pour eux la réincarnation de leur grand-père Seydina Limamou Lahi ainsi que celle de chacun de ceux qui l’ont précédé à ce rang. Ainsi, ils ne le regardaient plus comme leur propre frère et n’agissaient plus vis-à-vis de lui comme ses frères. Ils le couvraient de respect et d’honneur aux yeux de tous.

D’ailleurs, sous le califat de Baye Seydi Thiaw, il n’y avait qu’un seul fauteuil réservé à lui-même pour matérialiser leur soumission face à son autorité et tous les autres frères s’asseyaient par terre aux cotés des fidèles en signe de respect. Baye Seydi Thiaw dans sa sagesse confia à chacun d’eux des responsabilités. Quand il était question de faire des prières, il choisissait Seydina Mame Alassane pour la faire. Et quand il fallait faire une causerie ou parler en son nom il cédait la mission à Serigne Ablaye. Il choisit plus tard leur jeune frère Seydi Mouhamadou Bachir que plusieurs générations séparaient d’eux, comme imam ratib de la mosquée de Yoff. Il convient de préciser que la différence d’âge entre Baye Seydi Thiaw et Imam Bachir était de 41 ans. Pourtant, il avait même intégré ce si jeune frère au groupe de réflexion qu’il formait avec ses autres frères Seydina Mame Alassane, Serigne Ablaye et leur neveu Baye Mbaye Sarr.

Quand Baye Seydi Thiaw reçut l’ordre de son grand-père pour commémorer le Centenaire de l’Appel de Seydina Limamou Lahi en 1981, il a pris soin d’en informer d’abord ses frères pour recueillir leur avis avant d’assigner à chacun une tâche bien définie par rapport à l’organisation. Et chacun d’eux s’impliqua à mille pour cent pour la réussite de l’évènement qui, après sa première diffusion à la télé nationale, entraina plusieurs vagues d’adhésion de fidèles à la communauté Ahloulahi. Quand il a aussi reçu l’ordre d’effectuer une tournée dans les différents foyers religieux du pays en 1982, Baye Seydi Thiaw consulta ses frères Seydina Mame Alassane Lahi et Serigne Ablaye qui, après concertation, lui proposèrent de les laisser le représenter à ces visites. Ils voulaient le ménager et lui éviter toute la peine qu’une telle série de visites pouvait entrainer. Mais Baye Seydi Thiaw dans sa détermination insista pour y aller en leur rappelant que leur grand-père l’avait chargé lui-même d’aller informer ses contemporains à la tête des confréries religieuses de la mission de Seydina Limamou Lahi. La réussite de l’un primait sur celle de tous.

Les nombreux efforts fournis par ces trois frères ont été couronnés succès dans la mesure où ils ont permis de maintenir la cohésion, consolider les liens familiaux et favoriser l’entente et la solidarité au sein de la communauté du Mahdi. Cela leur a permis de continuer la mission de leur grand-père ainsi que celles de leurs pères respectifs sans échouer, sans se désunir. Et en considérant la contribution de chacun d’eux dans la mission de Seydina Limamou Lahi, après le rappel à Dieu de Seydina Mandione, l’on peut facilement se rendre compte que ces trois ont écrit les plus belles pages de l’histoire de la communauté Ahloulahi eu égard à toutes leurs réalisations. Aussi, Allah dans Son éternelle grandeur récompensa-t-Il leurs nombreux efforts en les portant tous les trois successivement au califat du meilleur des hommes : Baye Seydi Thiaw étant le 3ème Khalif, Seydina Mame Alassane le 4ème et le dernier du trio Serigne Ablaye fut le 5ème Khalif.

Aujourd’hui, ils ne sont plus que quatre petit-fils du fondateur de la communauté Ahloulahi vivant encore parmi nous : le Khalif Seydina Mouhamadou Makhtar ibn Seydina Mandione, Seydi Mouhamadou Lamine, Seydi Mame Libasse et l’imam ratib Seydi Mouhamadou Makhtar ibn Seydina Ababacar Lahi. Le nombre de petits-fils du fondateur a donc considérablement diminué. En tant que fidèles du saint-maitre nous nous devons de les aimer, les suivre, les soutenir, les aider dans les affaires religieuses et enfin inviter tous les musulmans en ce sens comme l’a si bien enseigné Seydina Limamou Lahi (asws).

Nous avons en outre l’obligation de les aider à maintenir l’entente et la solidarité entre eux.

Écrit par: soodaan3

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