Seydina Mandione Lahi fut sans nul doute le Soleil (Pôle) de son époque. Pour confirmer ce propos pas du tout gratuit, nous reprenons ces vers composés par le brillant El hadji Mouhamadou Sakhir qui, noyé dans la tristesse suite à la disparition de ce guide exceptionnel, lui composa un « Marsiya » époustouflant :
Ñaar fuk ak ñaar ci ay at moom la wuutu Isaa
“Samsul Hudaa” suux na dunyaa dellu waat ci lëndëm
Autrement dit, le défunt imam ratib de Yeumbeul, renseignait par ces vers que Seydina Mandione succéda à son frère ainé Seydina Issa Rohoulahi pour un apostolat de 22 ans. Et comme pour informer sur le statut que celui-ci occupait à son époque, il le qualifia de « Chamsul Hudâ » ce « Soleil de guidée » qui, à sa disparition, plongea le monde dans ses ténèbres originelles.
Très généreux en informations sur son père spirituel et pour confirmer son statut de « chamsul hudâ », « Al yeumbeuliyou » ajoutait :
Limal ma “samsul Hudaa” moodi am atam ca la dem
Manjoon’a doon jant moom leeral na rééw mi ba dem
Autrement dit, il disséqua le terme « chamsul houdâ » – dont le poids mystique correspond au nombre 1390 – pour montrer qu’il correspond à l’année à laquelle Seydina Mandione quitta ce monde. Une preuve de plus pour confirmer qu’il ne pouvait être que ce Soleil qui illuminait les gens de son époque. En disparaissant au 27e jour du mois Seydina Mandione avait aussi « emporté la lune [de dhoul hijja]» avec lui comme le rapportent toujours ces vers du « marsiya » :
Weeru Tabaski la tàggoo, neel “Kasun” (27) ca la dem
Weer waak Manjoon àndandoo xéy làqu ñépp gëlëm
Mais le clou de cette merveille littéraire produite par le poète prolifique, El Hadji Mouhamadou Sakhir se trouve dans ces autres vers du poème « Seydi Roohu laay ku la way » parlant de Seydina Mandione :
Moodi gééj gu fees ba di fuur ba njaa àlla yaa ngi ziyaar
Yaa Uxayya nanka ziyaar moodi « zul kiraamati »
L’auteur utilise l’expression « geej gu fees ba di fuur » pour qualifier Seydina Mandione. Or, le terme « geej gu fees » renvoie à un océan en marée haute ; c’est-à-dire le niveau le plus élevé atteint par l’océan au cours d’un cycle de marée. Par contre le terme « ba di fuur » traduit l’état de cet océan, métaphore qui renvoie à Seydina Mandione, qui est tellement plein qu’il devient écumeux. L’expression «ba njaa àlla yaa ngi ziyaar » renvoie au fait que l’état de cet océan plein et écumeux dégage un magnétisme qui attire tout être vivant. C’est pourquoi l’auteur invite ses contemporains à venir s’abreuver dans cette source (« Yaa Uxayya nanka ziyaar »).
Alors la question qui persécute notre esprit tourmenté par autant d’interrogations sur la personnalité de cet aïeul hors du commun est de savoir de quoi était rempli cet océan dont le poète dit qu’il est tellement plein qu’il devient bouillonnant et attire tous les êtres vivants de son époque. Or, nous avons constaté avec joie que mettre en exergue l’expression » Moodi gééj gu fees ba di fuur… » revient à répondre inexorablement à la question initiale, prétexte de cet exposé, à savoir « qui est Seydina Mandione Lahi ? ».
Aussi, pour tenter de saisir le sens de cette expression avons-nous encore effectué un périple à travers l’immense œuvre poétique de Imam Mouhamadou Sakhir, qui, il faut le préciser, a cité Seydina Mandione dans quasiment tous ses poèmes. Nous avons alors constaté qu’il insiste de manière stratégique sur les termes « muñ » (l’endurance), « doylu » (la suffisance), « gor » (parfois « ngor »), « xamxam » (l’érudition), « mat » (la perfection morale), pour qualifier ce valeureux « Qutbu Zamâne » fils de la meilleure créature d’Allah. Et donc par extrapolation, nous avons déduit que la métaphore «geej gu fees ba di fuur » est forcément rempli en partie par ces valeurs caractéristiques citées plusieurs fois par l’imam-poète pour établir le portrait de celui qu’il nomme, par ailleurs, « Sâhiboul Karam ». Il convient de souligner que le reste des valeurs contenues dans cet océan (Seydina Mandione), plus nombreuses encore que celles révélées, ne sont pas connues par le commun des mortels.
Par exemple dans son poème « Sayfu Laahi » il dit :
Exemple 1 :
Baay Manjoon moo am ngënéél, moo doylu, moo muñ moodi gor
Am na xamxam, am « diraaya » ak, mey yu réy booleek karaam
Et dans « Seydi Roohu laay ku la way » il embouche encore la même trompe avec ces vers qui font monter notre bonheur (à nous autres) à son paroxysme :
Exemple 2 :
Am na diine muñ na te moom ngor ga mat na am na ngërëm
Xol ba yaa na mat na Imaam am na ndam « fii taahati »
Pour accéder au sens de réel de ces mots wolof remplis de valeur, nous avons consulté le jumeau intellectuel de Imam Sakhir à savoir le regretté professeur Assane Sylla qui nous « orienta » dans cet ouvrage qui lui servit de thèse de doctorat d’État intitulé : La Philosophie morale des wolof.
Le professeur lettré doublé de Mouhaddam parmi les Ahloulahi nous y enseigne que :
– « Muñ » signifie être capable de conserver son intégrité, sa loyauté, ses convictions jusque dans l’adversité.
Ainsi, poursuit le Pr Assane, être « muñ », c’est s’armer d’une patience et d’une abnégation au-dessus de toute épreuve. Et en particulier, l’argent et les biens matériels ne peuvent détourner de ses convictions morales quelqu’un qui est « muñ ». On dira de lui qu’il est « goré »
– « gor » qui signifie, du point de vue sociologique, homme libre ne comptant aucun esclave parmi ses ascendants. Mais du point d vue moral, le « gor » est celui qui possède une noblesse de caractère et une honnêteté qui font qu’il se contente strictement de son avoir, si petit soit-il. Le « gor » doit avoir ces 3 comportements
– être « yiiw » : correct et estimable dans son comportement et dans son langage
– être « goré » : honnête et incapable de succomber à la tentation de l’argent et des biens matériels, mais plutôt capable de faire face à ses devoirs sociaux et surtout aux sacrifices qu’ils peuvent impliquer.
– être « maandu » : être capable de résister à la tentation, et par conséquent, mener une vie au-dessus des fautes et péchés qui dégradent l’individu et le rendent indigne de l’estime et de la confiance de son prochain.
– « yaa » signifie large, ouvert et disponible aux autres. Une personne « yaatu » est donc disponible aux autres à tel point qu’il met facilement ses biens à leur disposition.
Après s’être délecté de ce chef-d’œuvre du professeur-muhaddam et en convoquant notre maigre connaissance de notre langue maternelle nous retenons que dans l’exemple 2 « Al Yeumbeulî » déclare sans équivoque que Seydina Mandione :
– fut un pieux serviteur du Seigneur (« am na diiné ») ;
– il fut aussi un endurant (« muñ na ») et Allah est avec les endurants (innal laaha maha çâbirîn) ;
– rien ne pouvait le détourner de ses convictions morales et religieuses : ni argent, ni bien matériel (« ngor ga mat na ») ;
– « am na ngërëm » pour dire qu’il avait les remerciements, la gratitude et les félicitations. Mais de qui au juste ? Nous dirons sans risque de nous tromper qu’il a les félicitations d’Allah, de Seydina Limamou Lahi (asws), de Seydina Issa Rohoulahi (as) et de tous les Ahloulahi.
– « xol ba yaa na » renvoie au fait qu’il était d’une générosité et d’une grandeur d’âme sans commune mesure.
– « mat na Imam » implique qu’il avait toutes les valeurs requises et le niveau suffisant d’érudition pluridisciplinaire qui l’élèvent au rang d’Imam en chef parmi les Ahloulahi (les partisans d’Allah)
– « am na ndam fii taahati » : il aura le mérite d’avoir suivi de la meilleure des façons les recommandations d’Allah, de son prophète (asws) et d’avoir accompagné (en lui étant entièrement soumis) son frère aîné Seydina Issa Rohoulahi (asws).
Au terme de notre tentative bien prétentieuse et finalement bien modeste (nous l’avouons quand même) de répondre à la question de savoir « Qui est Seydina Mandione Lahi ? », nous concluons en toute objectivité qu’il est ce « geej gu fees ba di fuur », cet océan de vertu morale et religieuse, cet abreuvoir des assoiffés, cette source intarissable de savoir et de sagesse pour quiconque veut étancher sa soif en érudition et en qualités morales et religieuses. En d’autres termes, Seydina Mandione fut donc l’incarnation parfaite de la droiture, de la générosité, de la piété, de la noblesse de caractère, de l’endurance, de la sagesse, du savoir, etc. c’est grâce à ces nobles traits de caractère et sa sagesse d’un niveau jamais égalé que Seydina Mandione parvint à imposer un leadership qui assura l’unité et la cohésion qui prévalent au sein des Ahloulahi depuis 1949.
Libaas ñëw na ba Isaa mi doon xàlifaam dem naa
Lëndëm des budul woon ak Manjoon mi xambaat taal baa.
Nous prions Allah, en ce jour, de rehausser Seydina Mandione en « darajât » auprès des Çâlihîna, des Çidîqqîna et des Muqarrabîna par la grâce de son élu de père Seydina Limamou Lahi Al Moukhtâr Wa Seydil Anlamîna (asws).
Di ziar ak di ndokkeel dommam ji di Seydina El Hadji Abdoulaye Thiaw Lahi Al Khalifa di si ndokkeel itam Seydi Mouhamadou Makhtar ibn Seydina Mandione Lahi ak mbooleem ndjabotou Ahloulahi.
《…Manjoona doon Janta moom leeral reewmi ba dem…》
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