Il est le fils ainé du saint -maitre Seydina Limamou Lahi (asws), fondateur de la communauté des Partisans d’Allah et de Sokhna Fatima Mbengue de Yoff Mbenguène. L’année de sa naissance, à savoir 1294 de l’hégire (1876), avait coïncidé avec l’année où les érudits de l’époque se sont réunis auprès du plus grand savant islamique de la presqu’ile du Cap-Vert, le Cheikh Ahmadou Kane de Sakkal. Le but de ce conclave était de le questionner sur les signes annonciateurs et le moment de l’apparition de l’Imam de la Fin des Temps à savoir, l’Imam Al Mahdi Al Mountazar. (cf. la tribune spéciale Appel 2022 intitulée « Historique de l’Appel de Seydina Limamou Lahi Al Mahdi » ) (tribune du vendredi n°69) : Cette date coïncide aussi avec la première rencontre physique entre le saint-maitre Seydina Limamou Lahi (asws) et le Cheikh Thierno Ababacar dit « Mbaye Sylla » qui fut Cadi et Imam Ratib de la Grande Mosquée des Lébous de Ndakaaru. Cette rencontre eut lieu au Tribunal Musulman sis dans la mosquée de la Rue Blanchot. Or, quelque 7 ans après ces deux évènements majeurs que naquit Seydina Issa Rohoulahi (as). À sa naissance, le prénom « Însâ Roûhou Lâhi » (عيسى روح الله) était déjà gravé en lettres arabes sur sa poitrine et sur son dos.
Quand il eut un âge compris entre 9 et 10 ans, son père déclara devant la délégation de dignitaires lébous, venus jouer les bons offices entre lui et les colons, que son fils Seydina Issa, était bien le messie Însâ Ibn Maryam revenu dans une seconde mission terrestre. Il avait alors pris le soin de soulever son jeune fils et de le poser sur son épaule avant de rajouter déclarer devant l’assemblée toute stupéfaite que Seydina Issa serait plus tard son successeur et premier Khalif. La prédiction du saint-maitre se réalisa en 1909 à la suite de sa disparition. Seydina Issa lui succéda après avoir dirigé sa prière mortuaire.
Sa première déclaration montra très tôt aux fidèles la dimension de ce premier Khalif. Il disait alors : « Je vous salue, je vous fais savoir que notre père Limamou Laye a vécu, c’est-à-dire qu’il a quitté ce monde, cette demeure qui finit, et qu’il est allé dans l’autre monde, demeure de la vérité et de l’éternité. Sachez qu’il exhortait les gens à répondre à l’appel qu’il lançait pour les amener à Dieu, à une religion pure ; il n’appelait personne pour lui-même. »
Mais ce qui marqua le plus son auditoire fut cette partie du discours : «Que celui qui croit en Dieu et en son Envoyé se mette à servir Dieu et purifie son culte de façon à ne rien associer à Dieu. Quant à celui qui ne pratiquait la religion que parce qu’il voyait mon père Limamou Laye, il ne lui reste plus qu’à abandonner son culte car Limamou Laye est parti comme sont partis ceux qui l’avaient devancé.»
Il n’avait que 33 ans en prononçant une telle sagesse, mais comme disait Corneilles : « Aux âmes bien nées la valeur n’attend point le nombre des années ». C’est pourquoi sa fameuse déclaration résonna dans les esprits comme un grondement de tonnerre en pleine tornade, resserra les rangs et montra aux gens de son époque qu’il était bien l’homme qu’il fallait à la place qu’il fallait à la tête de la Communauté Ahloulahi. A partir de là, sa première mission était de réunir la famille du saint-maitre et les grands Cheikhs qui avaient pour la plupart quitté leurs fiefs respectifs pour rallier la cause de Seydina Limamou Lahi (asws).
Une fois cette mission accomplie, Seydina Issa s’évertua à confirmer et à poursuivre la mission prophétique de son illustre père ; mission consistant à apporter les solutions pour faire face aux nombreux défis de « âqiru zamâne ». Il préserva le legs et l’enseignement du saint-maitre, nomma des mouhaddam chargés de diffuser cet enseignement. Il était très rigoureux et veillait lui-même à l’application scrupuleux de cet enseignement et n’hésitait pas à se charger de corriger les plus négligents parmi les fidèles. En tant que confirmateur de la mission prophétique de son illustre père, Seydina Issa se devait de pérenniser le message de celui-ci en le portant partout. C’est pourquoi il acheta une voiture qu’il nomma « Lày jeex na », ce qui signifie « nul n’a plus aucun prétexte pour dire qu’il n’a pas reçu le message de Seydina Limamou ». Autrement dit, « si vous ne venez pas pour accéder à ce message, moi Seydina Issa je viendrai à vous pour vous la partager volontiers ». Il voyagea alors d’est en ouest et du nord au sud pour rappeler ou informer les gens de son époque que son père était bien l’Imam Al Mahdi Al Mountazar et que lui Seydina Issa était le messie Ibn Maryam revenus tous les deux dans une seconde mission sur terre.
Seydina Issa fonda plusieurs villages dont celui de de Gossas Layène dans la forêt du Sine-Saloum, vers 1911, après y avoir chasser les esprits maléfiques pluriséculaires qui y régnaient en maitres absolus. A l’origine c’est le « Buur Sine » Coumba Ndoffène Diouf qui avait lancé un appel pour l’aider à chasser ces puissants démons qui sévirent dans la grande forêt de Gossas. Le tout-jeune nouveau Khalif des Ahloulahi, Seydina Issa (âgé d’à peine 35 ans) répondit au secours du grand Buur Sine. Il constitua une armée de fidèles pour l’accompagner dans cette croisade contre ces redoutables « chayâtîne ». Il n’utilisa aucune arme physique au cours de ce jihâd « fî sabîlil-lah » Au contraire, une fois en face de cette grande forêt dense d’une superficie d’environ 5 kilomètres carrés que nul autre que lui ne se hasarda à affronter, Seydina Issa (as) utilisa l’arme ultime que lui confia son père (asws) à savoir la formule du tawhiid (l’unicité divine), après avoir prononcé tous ensemble la formule du « takbir » : « Allâhou Akbar ». Une fois que les fidèles cantonnèrent en chœur la formule du « lâ ilâha illâ Allah » avec la mélodie composée par le saint-maitre, les foules de démons ont commencé à pousser des cris stridents et fuirent laissant derrière eux un grand nuage de poussière écarlate. Seydina Issa occupa une partie des terres cédées en y érigeant une mosquée, un puits et une daara pour l’apprentissage du saint Coran.
Avant de rentrer à Yoff, il ordonna à jeune frère Seydina Malick Lahi ibn Seydina Limamou (asws) d’y rester avec quelques fidèles pour veiller à l’orthodoxie des Ahloulahi. A son retour, il érigea plusieurs « daaras » dans les localités habitées par les fidèles pour une plus grande diffusion de l’enseignement coranique et des préceptes islamiques telles que distillées par le saint-maitre. Sous son califat, les mosquées de Malika, de Yeumbeul, de Cambérène et de Yoff Layène. Au niveau de ces mosquées, il nomma des équipes de surveillants chargés de veiller au respect strict des préceptes islamiques suivant la doctrine Ahloulahi.
Seydina Issa s’impliqua personnellement dans la gestion administrative du pays (la colonie) et ne ménageait jamais aucun effort pour la sauvegarde des intérêts de ses concitoyens. Il s’adressa par exemple aux colons pour l’érection d’une route reliant Cambérène à la route nationale pour désenclaver le village ; il sollicita des étals au marché de Kermel et à Sandaga pour permettre aux femmes de la banlieue (Yoff, Ngor, Ouakam, Cambérène, Yeumbeul, Malika, etc.) d’écouler les produits issus de leurs champs. D’ailleurs ses étals sont toujours encore exploités par les descendants de ces braves dames de la communauté Ahloulahi. Ses rapports avec l’administration coloniale étaient basés sur un respect mutuel dans la mesure où Seydina Issa, en bon croyant qui plus est envoyé de Dieu, reconnaissait que leur présence était la matérialisation de la volonté divine. Tandis que les colons lui reconnaissaient son autorité naturelle et son statut de grand défenseur des intérêts de son peuple. Il ne se privait jamais de leur dire la vérité quand il le fallait et n’a jamais ôté ses turbans devant le gouverneur comme il était de coutume à l’époque.
Pour respecter sa position sur cette question, une note de service avait été partagée au sein de l’administration pour informer que le « Marabout Issa Thiaw de Cambérène était autorisé à porter ses turbans dans les locaux de l’administration… ». Sa position de défenseur de l’Islam et de la cause du peuple lui valut d’être considéré comme « le Grand Marabout de l’AOF » et de recevoir des médailles récompensant ses nombreux efforts pour les intérêts de son peuple. Il reçut la Médaille des Epidémies pour ses nombreux efforts dans la gestion des épidémies. A ce propos, il faut rappeler que sous son califat plusieurs épidémies de peste furent enregistrées. Et Seydina Issa avait alors ordonné aux fidèles et aux populations locales de respecter le confinement et les autres mesures sanitaires pour endiguer la peste avant de décider du déplacement des villages comme Cambérène et Malika de leur ancienne localisation à leur position actuelle au bord de la mer. Il fut aussi élevé à la dignité de Chevalier de la Légion d’Honneur, Officier du Nicham Iftikar de Tunis et Commandeur de l’Etoile Noire du Bénin. Il fut le guide religieux invité avec les Bouna Alboury Ndiaye, Béhanzin, etc., à l’Exposition Coloniale du Bois de Vincennes de 1931. Il voyagea en, France, au Maghreb, à Madagascar, etc.
Et l’on peut dire sans risque de se tromper que c’est sous son califat que l’autorité coloniale a véritablement commencé à reconnaitre le rôle et la puissance de l’autorité religieuse dans la colonie sénégalaise. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, un affrontement naval franco-anglo-français opposa au large de la presqu’ile du Cap-Vert le bloc formé par les Forces Françaises Libres menées par le Général De Gaule (Chef de la résistance), les forces britanniques et australiennes, et les Forces Françaises du Régime de Vichy. Au cours de cet affrontement, la ville de Dakar fut bombardée par les forces pro De Gaule du 23 au 25 septembre 1940. Tout le monde fuya alors la ville pour aller se cacher à la périphérie voire à l’intérieur du pays. Et Seydina fut le seul à rester en ville, plus précisément à sa résidence de Tilène au centre des bombardements.
Quand les fidèles le supplièrent de quitter Dakar comme tout le monde, il montra toute sa loyauté envers sa terre natale : « si aujourd’hui j’abandonne Dakar pour fuir les bombardements, comment pourrai-je y retourner à l’issue des affrontements ? ». A ce propos, pendant les bombardements Seydina Issa sortit jour devant sa résidence de Tilène pour constater les dégâts et un obus fut lancé à quelques mètres de lui. Un des fidèles lui lança alors « Fuyez mon seigneur ! » Mais Seydina Issa n’en fit rien. Il posa tout simplement son pied sur l’engin explosif et il sembla se désamorcer aussitôt. Finalement, cet obus fut utilisé comme un banc devant la résidence de Tilène. La séance de prière qu’il organisa avec ses fidèles à sa résidence de Tilène, entraina sans nul doute la fin des affrontements.
Toutefois, à l’aube de l’an 1949 (correspondant à 1368 de l’hégire), nombreux furent les érudits de la capitale dakaroise et du reste du pays qui s’enquerraient, guettaient même l’état de santé de Seydina Issa (as). Ils avançaient alors ces propos :
« At mii (1368), Laayeen ci ak waat la nu nekk ! Su seen serign bi dundé lu weesu koriték ren jii dina woro ak li tééré yi waxoon ».
Voici une phrase qui mérite bien d’être mieux expliquée pour montrer combien la vie de Seydina Issa (as) a été en parfaite adéquation avec tout ce qui a été prédit sur lui. En effet, dans un célèbre hadith le prophète avait prédit que l’apostolat de Însâ Ibn Maryam à la suite de l’Imam Al Mahdi durerait 40 années. Or, Seydina Issa Rohoulahi avait succédé à son père Seydina Limamou Lahi à la mi-shawwal de l’an 1328 (1909), après avoir présidé sa prière mortuaire. Aussi, le mois de shawwal de l’an 1368 (1949) marquait-il les quarante années de califat de Seydina Issa Rohoulahi. Tous ceux qui étaient au courant de cette déclaration de Seydina Limamou sur l’identité réelle de son fils (Însâ Ibn Maryam venu dans une seconde mission) et qui avaient aussi connaissance de ce hadith, attendaient patiemment de voir si le premier Khalif des Ahloulahi vivrait au-delà des quarante années de vicariat prédit. Le cas échéant, ils auraient une occasion exceptionnelle, pour la première fois, de brandir un argument solide en porte à faux avec la mission de Seydina Issa Rohoulahi. Mais au cas contraire, ils auraient un signe de plus pour confirmer leurs missions respectives. Toutefois, Allah que Seydina Issa rendrait l’âme le dimanche 26ème jour du mois de Kori de la même année 1368 (21 août 1949) vers les coups de19h, quelques treize jours après avoir commémoré le rappel à Dieu de son père. Il venait de boucler 40 années de califat à la tête des Ahloulahi après avoir confirmé et diffusé le message de son père, Seydina Limamou Lahi (asws). Notre grand-père paternel El Hadji Abdourahmane Diop que Seydina Issa avait désigné pour s’occuper de lui après que son âme aura quitter son corps, a confirmé à l’Imam Mouhamadou Bachir Lahi ibn Seydina Ababacar et au Docteur Baytir Sène Lahi envoyés par le Khalif de l’époque (Baye Seydi Thiaw Lahi), avoir vu le prénom « Însâ Roûhou Lâhi » (عيسى روح الله) clairement gravé sur sa poitrine comme sur son dos.
Seydina Issa Rohoulahi (asws), après 40 longues années, sans repos aucun, avait jeté les bases solides d’une continuité sans heurt de la voie des Ahloulahi. Il fut succédé au califat par son frère et fidèle lieutenant Seydina Amar Mandione Lahi (père de l’actuel Khalif, Seydina Mouhamadou Makhtar Lahi).
Nos remerciements et prières à l’infatigable serviteur, feu Professeur Assane Sylla
Par Chérif Alassane Lahi Diop « Sibt Sâhibou Zamâne »,
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