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BAYE SEYDI THIAW LAHI SUR LES 364 HA OFFERTS A L'ETAT DU SENEGAL Baye Seydi Thiaw LAHI
today2 septembre 2022 152 4
La mystique musulmane ou taṣawwuf encore appelé soufisme, est un courant mystique et ésotérique permettant au fidèle, après la domination de l’égo, de se rapprocher de son Créateur et même d’atteindre la fusion avec Lui Tout-Puissant. L’une des conditions pour réussir cette mission est le renoncement à ce bas-monde et à tout ce qu’il contient en termes de jouissance. Cette condition primordiale repose sur l’idée que l’amour pour ce bas-monde et/ou ce qu’il contient rend difficile tout rapprochement avec Allah. C’est pourquoi, les adeptes du taṣawwuf ou ṣufi évitent toute forme de mondanité, mangent peu et s’habillent de la façon la plus modeste possible.
Le soufisme est structuré en voies ou confréries appelées « tariqa ». Chacune de ces voies initiatiques est dirigée par un maitre spirituel encore appelé « cheikh » dont le rôle est de diffuser un ensemble d’enseignement et la méthode spécifique ou expérience mystique personnelle pour atteindre l’ascension vers Allah. Il s’agit donc à travers un apprentissage spirituel de donner au disciple les moyens facilitant son ascension vers le Créateur. Les aspirants à chaque voie encore appelés « murid » sont initiés et entrainés par le Cheikh lui-même. Une fois qu’ils auront assimilés les enseignements propres à leur voie, le Cheikh leur donne le titre de « muhaddam » (représentant plénipotentiaire) et une « ijâza » (autorisation) pour, à leur tour, initier et former d’autres prosélytes. Ces derniers aussi, après avoir acquis tout le savoir nécessaire issu de leur école, seront à leur tour autorisés à former d’autres encore et ainsi de suite. C’est par ce procédé que les tariqa se sont développés au cours de l’histoire. Ainsi, chaque disciple peut remonter la chaine de transmission initiatique qui le lie au fondateur de la voie à laquelle il appartient. Globalement, les pratiques utilisées par les tariqa pour atteindre le Seigneur sont les séances d’invocation ou « dhikr », les séries de litanies quotidiennes ou « wird » le chant des attributs du Très-Haut ou « sama’a », la méditation, les séries de jeûnes surérogatoires, etc.
Ces pratiques qui peuvent se faire individuellement ou en groupe permettent d’entretenir et vivifier la relation, la proximité avec Allah. Elles permettent aussi au sufi d’atteindre progressivement les différentes stations ou « maqām » de la sainteté et des états d’enivrement spirituel ou « hâl » à travers lesquels il « entre en contact » avec son Créateur. Chaque station ou maqām correspond à une étape supérieure qui rapproche davantage l’aspirant de son Créateur. Et chacune des stations procure un ensemble spécifique de connaissances jamais contenues dans un livre connu. Au cours de ces « hâl », le sufi peut atteindre l’état fusionnel ou extinction en Allah encore appelé « fanā’ ». Ces états en ce sens qu’il permettent au soufi de recevoir directement à la Source un package d’informations jusque-là inconnue et un savoir inaccessible aux non-initiés, lui permettent de mieux appréhender l’étendue de l’éternelle grandeur du Créateur Tout-Puissant ainsi que Ses attributs uniques. C’est pourquoi à chacun de ces états, le soufi connait mieux Allah et donc pourra le servir et l’adorer encore mieux que quiconque n’ayant pas encore gouté au nectar ou « ma’rifatu bil-Lâh » (meilleure connaissance d’Allah) auquel il a été abreuvé au cours de son enivrement spirituel.
C’est grâce à ces voies soufies que l’Islam a été introduit en Afrique. Parmi elles, on peut citer la Qadiriyya qui trouve son origine au XIe siècle à Bagdad, la Tijaniyya née à partir du XVIIIe siècle sous l’impulsion du Cheikh Ahmad At-Tîjânî (rta) et la Muridiya fondée par le Cheikh Ahmadou Bamba (rta) au XIXe. Le modèle d’éducation religieuse (tarbiya) offert par le taṣawwuf a facilité l’adhésion à l’Islam d’un très grand nombre de fidèles, plusieurs dizaines de millions plus précisément, du fait de sa pédagogie unique axée sur le partage de l’expérience mystique, mais aussi de sa spiritualité et sa tolérance.
Toutefois, plusieurs griefs sont reprochés aux Ahlu taṣawwuf. En effet, les états de « hâl » dont nous avons parlé précédemment, ont souvent conduit à des dérives qui, du point de vue d’autres musulmans, vont à l’encontre des principes et règles islamiques. Pour mieux comprendre ces dérives qu’on reproche aux Ahlu taṣawwuf, l’exemple le plus révélateur qui pourrait être donné en la matière est celui de Mansour Al-Ḥallādj qui, sous l’effet de l’enivrement spirituel, avait crié en public : « Anâ al-Ḥaqq ». Ce qui signifie : « Je suis la Vérité » (c’est-à-dire Dieu). Cela lui valut d’être emprisonné et plus tard exécuté. Pourtant, ce qu’il fallait y comprendre est qu’au cours de ces « hâl » où le sufi est en parfaite communion avec son Créateur et parfois même en fusion, il peut arriver que le flot de lumière divine reçu et absorbé finisse par s’exprimer elle-même au nom du Seigneur. Mais les gens qui y assistent, vu qu’ils n’ont pas le niveau d’habilitation requis – car étant non encore initié – ne parviennent pas à comprendre que le sufi dans cet état s’est complètement éteint et que donc c’est la lumière divine qui s’exprime à travers ses paroles.
D’ailleurs, quand le maitre Cheikh Abdoul Khadr Jeylânî, au cours de ces hâl, émit des propos que la plupart de fidèles présents jugèrent comme blasphématoires et qu’il en fut informé à la sortie de cet état, il leur demanda ce que la loi islamique dit dans ce cas. On lui répondit que le jugement c’est la mort par exécution et il leur donna l’ordre de lui appliquer la sharia la prochaine fois que cela lui arriverait. Or, quand cela se répéta et qu’il prononça les mêmes propos, ses fidèles l’attaquèrent par des coups de sabres mais ces dernières fondirent tous sous l’effet de la forte lumière qui ruisselait de son corps. C’est ainsi qu’il leur donna enfin l’enseignement qu’il fallait en tirer à savoir que ce n’était plus lui, qui s’exprimait, mais plutôt la lumière divine qu’il avait absorbée. D’autres sufis encore, sous l’emprise de cet enivrement spirituel ont rendu public leur grade, leurs mérites auprès d’Allah ou ont étalé l’étendue de leurs pouvoirs en réalisant des prodiges en tous genres. Parmi les reproches que les pourfendeurs émettent à l’endroit des Ahlu taṣawwuf, il y a aussi le rôle, l’importance, les honneurs et le respect donnés aux guides religieux (Cheikh et autres Muhadam). À la limite très extrémistes et très puritains, ils en arrivent même à percevoir dans ce lien entre maitre et disciple une forme de « shirk » (péché d’association) dans la mesure où ils pensent que le second déifie le premier. Or, les partisans du taṣawwuf, voient ces guides d’abord comme des serviteurs du Créateur Tout-Puissant mais aussi comme des fidèles, des disciples de Seydina Mouhamad (asws) – ils reconnaissent donc l’infériorité de leur rang par rapport au messager et même à ses califes – et des relais chargés de transmettre les enseignements issus du Coran et de la sunna. Et donc les Ahlu taṣawwuf sont bien conscients que c’est Allah le Maitre de la Destinée et Le Seul capable de la changer. Donc en convoquant les noms de leurs guides respectifs pendant qu’ils invoquent le Seigneur c’est pour s’appuyer sur la proximité de ceux-ci avec Lui dans le but de faciliter l’acceptation de leurs prières. C’est donc une sorte de demande d’intercession qui, comme ils savent très bien, ne se fera qu’avec l’autorisation d’Allah (« bi iznil-Lâh »).
Par Chérif Alassane Lahi Diop « Sibt Sâhibou Zamâne »,
Analyste politique et économique,
Expert en Commerce et Management des Affaires Internationales,
Secrétaire Général de Vision 129.
Écrit par: soodaan3
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